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8 mai 2015 : les relents de la Guerre froide

Samedi 9 Mai 2015 - 10:15

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Le soixante-dixième anniversaire de la capitulation allemande qui marqua, en Europe, la fin de la Deuxième guerre mondiale aurait pu, aurait dû, être le symbole de la volonté des grandes puissances d’œuvrer ensemble au maintien de la paix sur toute l’étendue du globe. Il a démontré, hélas !, le contraire, à savoir que la méfiance la plus extrême continue de régner entre les États qui s’unirent un temps pour mettre fin au cauchemar planétaire né de la folie nazie.

En témoigne le dialogue de sourds qui s’est instauré à la faveur de la crise ukrainienne entre la Russie, l’Europe et les États-Unis, dialogue de sourds qui plonge ses racines dans le passé et laisse prévoir de fortes tensions sur le Vieux continent dans les années à venir. Car l’absence des  dirigeants occidentaux lors des cérémonies organisées à Moscou pour célébrer la victoire de 1945, alors même que cette victoire était due pour une large part au sacrifice des forces russes, résonne comme un signal d’alarme que l’on aurait tort de ne pas entendre.

Il suffit de regarder les innombrables émissions qui relatent depuis des mois, sur les écrans de télévision du monde entier, les épisodes marquants de la deuxième Guerre mondiale pour comprendre que les blessures ouvertes par cette terrible page d’Histoire ne se sont pas vraiment refermées contrairement aux apparences. Rien, à la vérité, n’est oublié et le temps n’efface pas le passé comme le montrent les trois données suivantes de l’équation stratégique mondiale présente :

° L’Europe, qui avait tenté de gommer son passé tragique en s’unifiant au sein d’une communauté, est devenue ingérable. Ceci, en raison de l’élargissement inconsidéré qui suivit la réunification de l’Allemagne et qui l’empêche aujourd’hui de franchir le pas décisif de l’union politique. Si bien que les relents de ce passé  ressurgissent au fil des mois, créant les conditions d’une crise entre ses trois Grands – l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne – qui pourrait bien semer le désordre dans ses rangs à brève échéance.

° Les États-Unis, qui partagent cette analyse sans oser le dire publiquement, n’accordent aucune confiance à l’Union européenne, leur principal partenaire qu’ils maintiennent sous tutelle via l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan). Et l’attitude de leurs dirigeants vis-à-vis de la Russie indique qu’ils se préparent, toujours sans le dire, à la relance de ce que fut la « guerre froide », c’est-à-dire un affrontement larvé à la marge de leur sphère d’influence qui leur permettra de garantir leur prééminence en Europe.

° La Russie, quant à elle, est bien résolue à se protéger contre les dérives réelles ou supposées du Vieux continent. Ayant payé au prix fort à deux reprises, en 1914-1918 et en 1940-1945, son incapacité à se prémunir contre les catastrophes que provoquerait à coup sûr chez elle l’affrontement de ses voisins, elle entend bien dresser un mur sur ses frontières occidentales et méridionales qui la protègera contre de nouvelles agressions. Nous en avons eu la preuve ces derniers mois en Crimée et en Ukraine, et ce n’est probablement qu’un début.

N’anticipons pas sur les évènements à venir ; l’Histoire se chargera de confirmer ou d’infirmer cette analyse. Mais disons simplement que soixante-dix ans après la fin du deuxième conflit mondial, les causes qui plongèrent le monde dans le chaos sont plus que jamais présentes. Sans doute le nazisme, le fascisme, le marxisme ne sont-ils plus d’actualité, mais les antagonismes régionaux sont plus que jamais présents et l’on voit mal ce qui pourrait les faire disparaître.

Ajoutons que ce qui est dit ici concernant l’Europe s’avère tout aussi vrai sinon même plus  là où se déroula, de 1940 à 1945, l’autre tragédie de la deuxième Guerre mondiale, c’est-à-dire en Extrême Orient. Les tensions croissantes entre la Chine et le Japon sont là pour en apporter la preuve de façon accablante et, sur ce terrain aussi, le proche avenir pourrait nous réserver de désagréables surprises.

Les relents de la Guerre froide qui montent de la célébration du 8 mai 1945 sont pour le moins inquiétants.

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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