Affaire Alexis Thambwe Mwamba : la justice belge se déclare incompétente pour le jugement

Lundi 13 Janvier 2020 - 11:48

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La chambre de mise accusation de Bruxelles a décidé, le jeudi 9 janvier, que la plainte contre Alexis Thambwe Mwamba pour crimes de guerre et corruption est irrecevable. Les plaignants ont quinze jours, à partir du jour de la décision, pour se pourvoir en cassation.

L'actuel président du Sénat congolais et ancien ministre de la Justice était accusé de crimes de guerre et crime contre l’humanité pour avoir revendiqué, sur les ondes de différents médias en 1998, l'abattage d'un avion en plein vol.« Nous avons toujours dit qu'il n'y avait pas un seul élément de preuve ni aucune sorte de preuve de culpabilité dans cette poursuite. Tout cela a commencé sur la base d'une plainte ciblée, mais très vague », a déclaré Laurent Kennes, avocat de Thambwe Mwamba à l'agence Belga. En outre, Laurent Kennes a plaidé l’incompétence pour ces crimes du fait du manque de liens entre les faits, Alexis Thambwe Mwamba et la Belgique.

Le tribunal s'est également déclaré incompétent pour juger une autre plainte déposée par l'organisation anti-corruption congolaise Licof, alléguant un détournement de fonds publics, la corruption, le blanchiment d'argent et la contrefaçon.

En octobre dernier, le parquet fédéral belge avait demandé l’irrecevabilité des poursuites - l’impossibilité de poursuivre, de juger, éventuellement de condamner - en Belgique Alexis Thambwe Mwamba dans le dossier de l’attentat d'un Boeing 727 de la compagnie Congo Airlines, abattu le 18 octobre 1998 en RDC au décollage de Kindu. Cinquante personnes y avaient été tuées dont quarante-trois civils, essentiellement des femmes et des enfants, et sept membres d’équipage.

À l’époque, Thambwe Mwamba était un des responsables du RCD-Goma et avait revendiqué cet attentat sur les ondes de différents médias. Ce dernier a toujours déclaré qu’il n'était que le porte-parole de ce mouvement rebelle et qu’il n’avait pas de réelles responsabilités opérationnelles. Mais Maître Alexis Deswaeff, l'avocat des plaignants a plaidé le fait qu'AlexisThambwe Mwamba dispose d'attaches suffisantes avec la Belgique, où il dispose de biens immobiliers, voitures, d'un titre de séjour illimité, que son épouse et ses deux filles ont la nationalité belge, qu'il y effectue des visites régulières, etc. Maître Deswaeff avait plaidé la notion “d’absence temporaire” reconnaissant Thambwe Mwamba était, pour l’instant, moins présent en Belgique vu ses responsabilités en RDC mais que tous les éléments qui le relient en Belgique sont toujours d’actualité. Mais la justice belge n'a pas retenu l'argument « d’absence temporaire » avancé par l'avocat.

En octobre dernier, le parquet fédéral belge avait déjà estime que les critères de compétence en matière de crime de droit international humanitaire, crime contre l’humanité et crime de guerre (article 136 ter et quater du code pénal), commis à l’étranger, nécessitent que la personne poursuivie réside effectivement et réellement sur le sol belge. Selon le parquet fédéral, Alexis Thambwe Mwamba, est certes domiciliée à Uccle (Commune de Bruxelles), mais l’enquête du juge d’instruction Claise a montré que cette domiciliation ne correspond pas à la résidence principale réelle d’Alexis Thambwe Mwamba. Ce dernier a répondu à la police belge qu’il ne se rend que deux à trois fois par an en Belgique, principalement pour " des examens médicaux ou des vacances ». Ainsi, pour le parquet fédéral, « la condition de résidence effective sur le sol belge requise pour pouvoir exercer en Belgique l’action publique du chef de crimes de droit humanitaire commis en RDC n’est pas remplie ». Le parquet fédéral de Belgique avait donc estimé que la justice belge n’est pas compétente dans ce dossier.

Rappel des faits

Le 18 octobre 1998, un Boeing 727 de Congo Airlines avait été abattu en plein ciel par un missile, aux abords de Kindu, lors de la rébellion opposant le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et les troupes loyalistes sous la présidence de Laurent-Désiré Kabila. L'avion avait cinquante personnes à bord (quarante-trois civils, essentiellement des femmes et des enfants, et sept membres d’équipage).

Le lendemain, Alexis Thambwe Mwamba, qui était alors porte-parole du RCD, revendiquait sur les ondes l’attaque contre cet avion et justifiait le tir du missile, un Sam 7, par le fait que l’appareil était sur le point d’atterrir à Kindu avec des militaires pro-Kabila à son bord. « Nous avions des informations précises que les renforts venant de Kinshasa arrivaient à Kindu par un avion civil », avait déclaré l'actuel président du Sénat de la RDC. Une version immédiatement démentie par de nombreux témoins, pour qui l'avion avait décollé de Kindu avec des civils qui cherchaient à fuir les combats.

En juin 2017, le juge Michel Claise avait été désigné par le parquet de Bruxelles pour se charger de l'instruction du dossier visant Alexis Thambwe Mwamba, alors ministre de la Justice de la RDC. L'ouverture du dossier était consécutive à une plainte pour crime contre l'humanité, introduite en 2017 par l'avocat Alexis Deswaef, pour le compte des familles des victimes. « La plainte porte aussi sur des détournements de biens publics, un volet du dossier dans lequel le nom de la fille du ministre est également mentionné. La plainte a été déposée par plusieurs familles de victimes du crash », indiquait "La Libre Belgique". « C’est Alexis Thambwe Mwamba qui a revendiqué, avec une certaine fierté, ce crime. Il est le seul à être domicilié en Belgique, où il a sa résidence principale et dispose d’un titre de séjour illimité depuis 1996. Au regard de notre droit, la justice belge est donc compétente », estimait Me Alexis Deswaef, avocat des parties civiles dans ce dossier, selon des propos rapportés par "Jeune Afrique". D'après l'avocat, cité par "La Libre Belgique", Alexis Thambwe Mwamba était résident en Belgique au moment des faits. Aujourd’hui, il dispose d’une carte de séjour permanent, ses enfants et son épouse sont Belges. Il s’est présenté à la commune d’Uccle le 20 novembre 2017 pour renouveler cette carte de séjour.

Audition d'Alexis Thambwe Mwamba

Le 4 septembre 2018, Alexis Thambwe Mwamba avait été auditionné pendant quatre heures (de 9h à 13h) par la justice belge. A en croire un communiqué publié à l'époque par son avocat belge, Me Laurent Kennes, l'ancien ministre de la Justice de la RDC avait lui-même sollicité d’être entendu le plus rapidement possible par les autorités belges et avait répondu à toutes les questions qui lui avaient été posées et avait proposé son entière collaboration. En outre, d’après ce communiqué, Alexis Thambwe Mwamba s’était défendu de tout rôle dans le crash de l’avion. «Il était responsable des relations extérieures et a été informé après le crash de celui-ci. Il n’a posé aucun acte en lien avec cet événement dramatique», expliquait le communiqué.

 

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Alexis Thambwe Mwamba

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