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Afrique centrale : l’erreur historique à ne pas commettre

Samedi 13 Juin 2015 - 11:45

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Plutôt que de critiquer les dirigeants africains sans jamais se référer aux bonnes sources et sans tenir compte des réalités du terrain, les puissances occidentales feraient bien de prendre la mesure des défis auxquels les pays du Bassin du Congo se trouvent aujourd’hui confrontés. Alors, en effet, elles s’emploieraient à accompagner cette partie du monde dans sa marche vers le progrès au lieu de la déstabiliser en tenant des discours décalés par rapport à la réalité, discours relayés avec une complaisance plus que suspecte par leurs grands médias qui, eux-mêmes, ne comprennent évidemment rien de ce qui s’y passe ou s’y prépare.

En agissant comme elles le font, les grandes démocraties aggravent les maux dont souffrent les peuples de l’Afrique centrale, maux qui sont très largement la conséquence des violences perpétrées près de cinq siècles durant par l’esclavage et la traite négrière, puis par la colonisation, donc par ces puissances occidentales. Une colonisation qui se poursuit d’ailleurs de façon occulte mais bien réelle dans différentes régions comme le prouvent l’exploitation sauvage des ressources naturelles dans l’Est de la République du Congo ou les actions criminelles des « fonds vautours » dans le domaine financier.

Ce que devraient comprendre les Européens comme les Américains et les inciter à se montrer plus prudents dans leurs prises de position, voire même dans leurs actions, c’est que les pays du Bassin du Congo se trouvent confrontés de façon générale à trois problèmes majeurs :

° Le premier est celui de la gouvernance interne. La plupart des pays de la zone devront, en effet, organiser dans les mois à venir une série d’élections majeures dont dépendra directement leur stabilité interne. Jeter de l’huile sur un feu qui couve ou qui peut couver n’est certainement pas la bonne méthode pour préserver la paix intérieure des nations concernées. Mieux vaudrait, pour les puissances occidentales, s’imposer un devoir de réserve semblable à celui que pratiquent la Russie et la Chine en s’abstenant de préjuger des décisions à venir et aider les États à organiser ces consultations dans les meilleures conditions.

° Le deuxième problème est celui des menaces extérieures que fait peser la montée de l’extrémisme religieux sur l’ensemble de l’Afrique centrale. Car ce qui se passe au Nigéria, au Cameroun, au Tchad, en Centrafrique et qui résulte directement des erreurs commises par les Occidentaux en Libye a toutes les chances de gagner d’autres pays de la région. Surfant sur la misère des populations, qui résulte elle-même du sous-développement provoqué par l’exploitation intensive des ressources naturelles par les puissances extérieures au continent, les milices tentent de s’emparer à leur tour des richesses de la région. Et compte-tenu de l’ampleur de l’enjeu, elles ne feront qu’accentuer leurs pressions dans le proche avenir.

° Le troisième problème est celui de la poussée démographique qui ne cesse de s’accélérer et qui exige un développement aussi rapide que diversifié si l’on veut que le désordre social, et donc politique, ne l’emporte pas sur la stabilité présente. Seuls, en effet, l’augmentation générale du niveau de vie des populations et donc la formation des hommes, la création d’emplois en grand nombre, l’aménagement des territoires, la construction  des infrastructures de communication, l’abaissement des frontières artificielles héritées de l’ère coloniale assureront sur des bases solides la sécurité intérieure et extérieure des pays concernés. L’enjeu dépasse de manière évidente la seule gouvernance politique.

Rendre à l’Afrique en général, à l’Afrique centrale en particulier, ce qui leur a été pris indûment pendant des siècles est la seule voie qui garantisse la paix. Si l’Europe et les États-Unis, qui ont commis cette faute en fondant pour une large part leur richesse présente sur le pillage systématique du continent, ne s’engagent pas rapidement sur cette voie et se contentent comme le font aujourd’hui leurs dirigeants de donner des leçons de bonne gouvernance, ils favoriseront une plongée dans le chaos qui leur coûtera beaucoup plus cher qu’ils ne le croient.

Ce qui se passe actuellement en Libye, au Mali, au Nigéria, en Centrafrique, en République démocratique du Congo, dans la Corne de l’Afrique, est là pour en apporter la preuve. Espérons que les Occidentaux le comprendront avant qu’il soit trop tard.

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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