Afrique de l'ouest : le Nigeria maintient la fermeture de sa frontière terrestre avec ses voisins

Jeudi 12 Décembre 2019 - 14:25

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Officiellement, le président nigérian, Muhammadu Buhari, reproche au Bénin et au Niger de mal gérer leurs douanes. Une décision unilatérale qui met aux abois la population.

La décision d'Abuja est pour certains analystes une volonté de politique protectionniste, avec l'objectif de diversifier l'économie du pays. A la frontière béninoise et au Nigeria même, les conséquences se font déjà ressentir. Plusieurs ministres, dont ceux des Affaires étrangères des trois pays, ainsi que le commissaire au Commerce de la  Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) se sont réunis, en novembre dernier, à Abuja, à l'effet d'une meilleure gestion de leur différend. Ils ont annoncé la mise en place de patrouilles communes contre la contrebande et la création d'un "comité de surveillance et d'évaluation qui réunit les trois pays pour encourager l'éradication de biens de contrebande". Ce comité "veillera à promouvoir le commerce régional entre les trois pays et mettre en place des sanctions contre la contrebande (...) et le trafic d'êtres humains".

L'objectif est de relancer les échanges commerciaux après les tensions provoquées par cette fermeture, imposée par le Nigeria, de ses frontières terrestres avec ses voisins. Le ministre béninois de l'Agriculture avait qualifié de "catastrophique" la décision du géant africain pour le Bénin...(un petit pays d'Afrique de l'ouest). Il considère qu'elle va à l'encontre de tous les traités commerciaux de la Cédéao. Mais le Nigeria, marché gigantesque de cent quatre-vingt-dix millions d'habitants, avait déclaré que cette fermeture durerait "le temps qu'il faudra à nos voisins pour venir à la table des discussions"; et que le Bénin profite depuis des décennies de l'importation illégale d'essence subventionnée, ce qui lui aurait coûté des milliards de dollars. De plus, le port de Cotonou servirait de "porte d'entrée" pour des milliers de tonnes de riz, théoriquement interdit à l'importation par voies terrestres.

Mais, la fermeture des frontières a engendré une très forte inflation du prix des produits de base sur les marchés au Nigeria où tous les produits doivent être désormais importés via le port de Lagos, une augmentation de produits issus de la contrebande.

La population aux abois

Le Nigeria ambitionne de relancer la culture du riz et mettre un terme à l’importation de riz thaïlandais en provenance du Bénin, préféré par les Nigérians car moins cher, et "de diversifier son économie au forceps". Pour un économiste béninois, le président Muhammadu Buhari "fait une erreur colossale. Son pays s’isole et s’écroule sur lui-même ". Les entrepreneurs locaux estiment que le gouvernement s'attaque au symptôme plutôt qu'à la racine du mal. Ils préfèreraient qu'il concentre ses efforts sur la formation et le renforcement du service des douanes, mais ces propos ne trouvent pas d'échos à Abuja.

Par contre, le président du Nigeria a salué les efforts du Niger qui a pris des mesures fortes pour le respect des exigences, notamment l’interdiction d’utiliser le pays "comme dépotoir pour les marchandises de contrebande à destination du Nigeria". Pour lui,  "les mesures prises par le Niger étaient utiles et favorables”. Mais, il s’est montré incertain sur la date d’ouverture des frontières avec le Bénin et le Niger. A l’en croire, cette mesure permet au Nigeria de lutter contre la contrebande et de mieux sécuriser ses frontières. Il a maintenu son "niet" à l'encontre du Bénin, notant une absence d’actions concrètes allant dans le sens du respect de ses exigences.

Les commerçants ne manquent pas d’ingéniosité pour contourner cette mesure draconienne du géant africain. Car cette situation accroît les gains. La nouvelle méthode de transport de l'essence ou du riz est la dissimulation dans des cercueils. Le Nigeria a finalement "militarisé" les chemins de la contrebande. Du côté béninois, le port autonome de Cotonou - desservant également le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad- est asphyxié. Des centaines de conteneurs de marchandises sont abandonnés et leur mise en vente aux enchères en cours. Les stations d'essence ont fermé au profit du marché noir. On note également une forte baisse des recettes douanières. Le produit intérieur brut du pays a connu un recul chiffré à 0,5.

"Lutter contre la contrebande ou les excès d’un secteur informel c’est bien, mais en concertation avec ses voisins. Abuja devrait d’abord balayer chez lui: chaque jour, quatre cent mille barils de pétrole sont volés ! Il est urgent de convoquer tous les partenaires autour d’une même table", ajoute l'économiste béninois.

L'appel de la Cédéao

Les pays voisins membres de la Cédéao appellent en vain à la réouverture des frontières. Selon Obidiah Mailafia, économiste nigérian, la fermeture n’est pas contraire aux principes de cette organisation sous-régionele. Mais, d'après lui, ce sont les hommes d’affaires nigérians qui sont les plus touchés. Il cite l'exportateur du ciment vers les pays limitrophes, Dangote, "qui ne peut plus le faire" . Il plaide pour une solution politique, des engagements de part et d’autre parce que "le commerce libre n’est pas synonyme de commerce illégal. Car ce qui se passe en ce moment est un commerce illégal."

Le Nigeria avait présenté ses conditions pour la réouverture des frontières. Il s’agit notamment de la destruction des entrepôts de riz le long des frontières et de faire en sorte que toutes les marchandises hors Cédéao, en transit sur le territoire nigérian, soient transportées avec leurs emballages intacts.

Noël Ndong

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