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Afrique-Europe : le grand réveil des entreprises

Lundi 14 Avril 2014 - 4:25

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On ne saurait dire que le sommet qui s’est tenu à Bruxelles les 2 et 3 avril fut un franc succès sur le plan politique puisque, mise à part la Déclaration réaffirmant avec force détails la volonté de l’Afrique et de l’Europe de travailler ensemble, aucune décision concrète n’a été prise. Le manque d’engagement de l’Union européenne au côté de la France pour aider la République centrafricaine à sortir du chaos où l’a plongée la violence religieuse en est la preuve accablante.

Il semble pourtant que dans un domaine précis, celui de l’investissement privé, un pas décisif ait été franchi qui pourrait, à terme rapproché, modifier profondément les relations entre les deux continents. Car, de partout, remontent vers nous des réflexions, des informations, des rumeurs, des confidences même, qui témoignent d’une prise de conscience par les entreprises européennes de l’enjeu que représente aujourd’hui pour elles le continent africain.

Parlons peu, mais parlons bien : en France, en Espagne, en Italie, en Angleterre, mais aussi en Allemagne – ce qui est nouveau –, les acteurs économiques ont découvert, à la faveur du sommet Afrique-Europe, que ce qui leur était dit depuis des années concernant l’émergence des pays du Sud ne relevait pas du vœu pieux, mais correspondait bien à la réalité. Certes, nombre d’entre eux s’en doutaient étant donné le rythme soutenu de la croissance dans les différentes régions du continent, mais aucun ne pensait vraiment que la volonté de l’Afrique et de l’Europe de travailler ensemble s’affirmerait avec autant de force. Et c’est pourquoi, à l’issue des débats économiques qui ont accompagné la rencontre des États au plus haut niveau à Bruxelles, ces mêmes acteurs économiques ont compris qu’en s’abstenant de s’investir en Afrique comme ils le faisaient jusqu’alors ils commettaient la plus lourde des erreurs.

Mieux vaut, dans cette affaire, ne pas vendre, comme on dit, la peau de l’ours avant de l’avoir tué, mais il ne serait pas surprenant que dans les mois et les années à venir nous assistions à une véritable ruée des entreprises du Vieux Continent vers l’Afrique. Non plus, comme ce fut le cas durant l’ère coloniale, pour en prélever les ressources naturelles sans véritable contrepartie, mais afin de tirer profit de l’émergence de l’immense marché que sera demain le continent africain.

C’est en tout cas ce qui semble ressortir des réunions qui se déroulent ici et là en Europe afin de tirer les leçons du sommet de Bruxelles et qui, toutes, concluent à la nécessité pour les entreprises européennes de tourner résolument leur regard vers l’Afrique. Un constat d’autant plus frappant que, jusqu’à présent, les investisseurs, les industriels, les commerçants européens, imprégnés des idées fausses que les médias occidentaux répandent à longueur de colonnes et d’écrans de télévision, considéraient le continent comme un monde dangereux, instable, dont il ne fallait rien attendre avant plusieurs décennies.

Compte tenu de ce qui précède, attendons-nous maintenant à une véritable ruée des investisseurs et des entreprises vers l’Afrique, une ruée en tous points semblable à celle qui a fait de la Chine un eldorado dans les dernières années. La crise économique qui déstabilise les pays du Nord aidant, il ne faudra pas très longtemps, en effet, pour que les acteurs économiques du Vieux Continent se ruent vers le Sud dans l’espoir d’échapper au cycle infernal de la récession qui perdure chez eux.

Il revient maintenant aux dirigeants africains d’anticiper cette ruée et de mettre en place les dispositifs administratifs, financiers, commerciaux qui feront de leur pays l’un des plus attractifs pour les capitaux et les entreprises. L’enjeu est à ce point considérable pour leur propre économie qu’il mérite réflexion.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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