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Afrique : la France peut-elle encore se ressaisir ?

Samedi 20 Juin 2015 - 11:45

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Elle fut longtemps une grande puissance, mais paraît engagée dans un déclin irréversible. Non parce qu’étant frappée de plein fouet par la crise économique et sociale, elle dispose aujourd’hui de moyens plus faibles qu’hier pour se faire entendre et respecter dans les enceintes internationales, mais parce qu’elle s’est fourvoyée dans une impasse dont apparemment aucun de ses dirigeants n’a encore pris la juste dimension.

Expliquons-nous.

La France, jusqu’à une date récente, fondait sa grandeur sur les moyens dont elle avait su se doter dans les siècles antérieurs, notamment grâce à ses colonies réparties sur toute la surface de la planète. Nation de dimension géographique et humaine très moyenne, manquant donc des ressources nécessaires pour se faire respecter, elle avait peu à peu assis son influence sur la constitution d’un empire qui lui assurait les ressources matérielles et financières correspondant à ses ambitions. Et face au mouvement irrésistible qui conduisait ces peuples à se libérer de sa tutelle, elle avait eu l’intelligence, à l’orée des années soixante du siècle précédent, d’accompagner leurs dirigeants dans la longue marche qu’ils entamaient vers la liberté.

Incapable de prévoir ce qui allait sortir de la construction européenne, elle a malheureusement commis deux erreurs qu’elle paie aujourd’hui au prix fort car elles ébranlent son autorité dans les enceintes internationales :

° La première a été de croire qu’en agissant avec force pour construire la Communauté européenne, elle renforcerait sa stature de grande puissance. Cédant aux pressions de ses alliés allemands – avec laquelle, pourtant, elle n’avait cessé de se battre tout au long de son Histoire – elle a laissé entrer dans l’Union les pays de l’Est ; ce qui a eu pour effet immédiat et irréversible de faire de l’Allemagne réunifiée la  première puissance du continent. Même si la France affirme haut et fort le contraire, son influence politique, diplomatique, économique, financière, culturelle même ne cesse de diminuer sur le Vieux continent. À terme plus ou moins rapproché, et bien qu’elle détienne l’arme nucléaire censée lui donner un poids réel dans la sphère internationale, elle risque de devenir une puissance de second ordre.

° La deuxième erreur commise par ses dirigeants successifs, qu’ils soient de droite ou de gauche, a été de croire que la France pouvait se passer de l’appui de ses partenaires africains lorsqu’il s’agit de se positionner comme une grande puissance. Ne cessant de leur donner des leçons de bonne gouvernance  alors qu’elle sombrait elle-même dans un désordre économique et social qui lui coûte de plus en plus cher, elle a ouvert une brèche avec l’Afrique dans laquelle s’engouffrent aujourd’hui toutes les grandes puissances ; lesquelles ont bien compris que ce continent sera demain l’un des principaux moteurs de la croissance mondiale. Conséquence : plus le temps passe, moins la  voix de la France est écoutée au sein de l’Union africaine et moins ses entreprises sont présentes sur le continent, provoquant un déclin aussi rapide que progressif qui affaiblit ses positions au sein même des institutions européennes.

Question donc : la France peut-elle encore se ressaisir, c’est-à-dire modifier son comportement vis-à-vis de l’Afrique, admettre enfin que ses partenaires sont maîtres de leur destin et qu’elle ne peut pas continuer à s’ingérer dans leurs affaires intérieures ? Si c’est le cas, elle a toutes les chances de demeurer dans le petit groupe des nations qui ont une influence réelle au plan mondial ; mais si elle n’y consent pas très vite, elle deviendra une puissance de second ordre, verra son influence décliner de façon irréversible dans l’Union européenne, s’avèrera incapable d’intervenir au côté de ses alliés africains pour les aider à se défendre contre les agressions dont ils sont l’objet, ne pourra pas relever les défis technologiques dont dépend sa puissance militaire, bref ne sera plus qu’une puissance de second rang.

Tout indique qu’il reste très peu de temps à la France pour prendre la mesure des défis qu’il lui faut relever si elle veut préserver sa stature de grande puissance. Mais ses dirigeants, de gauche comme de droite, sont-ils prêts à regarder la vérité, cette vérité, en face ? Ce n’est malheureusement pas certain en dépit des avertissements qui leur sont adressés directement ou indirectement par leurs partenaires.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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