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Alpha Condé président de l'Union Africaine chapeau, camarade président !

Jeudi 2 Février 2017 - 19:09

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Les lampions se sont éteints à Addis-Abeba, où le dernier sommet de l'Union Africaine a, entre autres, débouché sur deux faits hautement symboliques : le retour dans la grande famille panafricaine du Maroc d'une part, l'élévation à la présidence tournante de l'Union du Guinéen Alpha CONDE, d'autre part.

La portée historique du premier fait est indiscutable. Elle traduit autant la lucidité et la maturité stratégique du Souverain chérifien lui-même, que la capacité de résilience des chefs d’Etat qui ont collectivement contribué, « à l’africaine » au dénouement consensuel de ce dossier. Parmi ceux-ci, il faut le souligner, un certain Denis SASSOU N'GUESSO, aujourd’hui mondialement reconnu comme Grand-expert régional en matière de prévention-résolution des conflits collatéraux.

Le second évènement qui propulse, par rotation, Alpha CONDE à la tête de l’Afrique justifie et mérite, sans langue de bois, le commentaire élogieux d’un ancien camarade et modeste compagnon, bien que plus jeune, des joutes estudiantines parisiennes des années 70.

D’abord, pour saluer un parcours politique : celui singulier, sinon unique, d’Alpha CONDE lui-même. Des rangs de la turbulente Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) à la tête de la Guinée, et aujourd’hui, de la plus haute institution panafricaine, via les geôles de Lansana CONTE, cette trajectoire cabossée par la répression et par les épreuves personnelles est difficilement duplicable (1). Elle révèle la volonté « jusqu’auboutiste » qu’avait cette génération de changer le monde, la Guinée en premier, quitte à en  payer le prix d’une part, mais aussi, d’autre part, l’habileté manœuvrière de l’homme lui-même. Qualités qu’il a su mettre,  en murissant,  au service d’une disposition politique essentielle, hélas aujourd’hui rare chez les prétendants aux successions légales en Afrique : la patience.

 Ensuite, pour souligner une évidence :  les temps ont changé et la FEANF n’est plus. Les produits de cette « école » du militantisme estudiantin sont aujourd’hui, comme moi, avec des fortunes ou trajectoires  diverses, dispersés à travers la planète ou sur le  continent, de Dakar à Brazzaville, de Libreville à Ouagadougou, Lomé, Cotonou ou Bamako, toutes générations confondues.Le temps du deuil est passé et la nostalgie n’étant plus celle qu’elle était, il ne devrait plus subsister comme lien social invisible entre ces anciens qu’un « esprit » : celui du patriotisme et de la fraternité panafricaniste.

L’élévation du « camarade président » Alpha CONDE nous honore donc tous. Elle pourrait  incarner  transversalement la cristallisation, en ce qu’il a d’essentiel, de la quintessence de cet esprit : contribuer, tant soit peu, à concilier nos utopies d’hier et nos responsabilités citoyennes et / ou politiques d’aujourd’hui.

Enfin pour esquisser une perspective : pour le continent, déjà confronté à des défis récurrents, plombé par des contingences lourdes mais disposant d’atouts significatifs qui en font espérer  l’émergence à moyen terme, le « moment » mondial actuel est géopolitiquement décisif. Il consacre désormais la diplomatie et le rôle des « politiques » aguerris  comme l’un des  leviers essentiels du développement. La résolution heureuse, en interne, par la CEDEAO, donc par l’Afrique, de la crise gambienne, autant que l’expertise cumulée dans la résolution souveraine, voire l’anticipation des crispations pré-ou-post électorales, (point faible de nos gouvernances démocratiques), confirment cette observation. De plus en plus décomplexé, et mieux « réseauté » notre continent regorge aujourd’hui de ressources humaines de qualité et  se dote progressivement, de façon plus volontariste, d’instruments formels et informels d’affirmation de son identité, au-delà de la mosaïque des cultures, des langues et des situations que l’Union Africaine fédère.

Gageons qu’à sa tête, le président Alpha CONDE avec l’appui bienveillant de ses pairs, dont certains vieux routiers comme Denis SASSOU N'GUESSO, ou Paul KAGAME, continue à buriner, avec son profil si atypique, à la consolidation des Lumières dont l’Afrique a tant besoin aujourd’hui, pays par pays et surtout, collectivement.

Chapeau, bon vent  et bonne chance donc « camarade Président », en mon nom personnel  et en souvenir de tous les « anciens », de toutes parts de l’Afrique, c’est-à-dire y compris, de ceux qui nous ont quittés trop tôt.

 

1. Seuls Laurent GBAGBO (Cote d’Ivoire) et Abdoulaye WADE (Sénegal) et sauf erreur, ont connu, avec des différences significatives, à peu près  le même sort .

                                                                                     

Par Henri OSSEBI Sociologue - Ancien Ministre

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