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Au-delà des apparences …

Lundi 26 Octobre 2015 - 9:29

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Bien que l’on n’en connaisse pas encore les résultats, le vote qui s’est déroulé hier au Congo appelle de la part des observateurs que nous sommes les remarques suivantes.

1) Pour qui se donne la peine de comparer la Constitution de 2002 et la Constitution de 2015, il est clair que la seconde instaure un régime nettement plus démocratique que la première. En équilibrant les pouvoirs exécutif et législatif, en réduisant à cinq ans la durée du mandat présidentiel, en renforçant le rôle des femmes dans les institutions de la République, en faisant une place aux rouages traditionnels dans la gouvernance publique, en conférant un statut officiel à l’opposition, le texte proposé aux électeurs permettra, s’il est adopté,  d’améliorer sensiblement la conduite des affaires publiques. Réduire, comme l’ont fait certains, l’enjeu de ce référendum aux seules questions du nombre et de la durée des mandats présidentiels était donc une erreur.

2) Même si, durant la dernière semaine de la campagne, des incidents isolés se sont produits à Brazzaville et à Pointe-Noire, le processus conduisant au référendum s’est déroulé de façon générale dans le calme. Le vote lui-même n’a pas été perturbé comme le prédisaient ceux qui refusaient au peuple congolais le droit de choisir librement ses institutions. La sagesse  collective l’a donc emporté sur l’inclination naturelle à la violence et, surtout, au déni de démocratie qui inspire cette frange de la classe politique congolaise dont l’objectif avoué est d’obliger Denis Sassou N’Guesso à se retirer.

3) Que le projet de Constitution soit adopté ou non, le débat qui s’est déroulé au Congo ces trois derniers mois a fait apparaître un clivage profond entre ceux qui jouent la carte de la démocratie en proposant au peuple de se prononcer sur ses  institutions et ceux qui rejettent ce mécanisme. Lorsque la passion sera retombée, il y a fort à parier que les « radicaux » se trouveront marginalisés par leur échec dans leur propre camp au point de ne plus pouvoir briguer dans l’avenir la moindre fonction élective. Il en résultera une redistribution des cartes qui profitera à ceux qui, partisans ou adversaires de la réforme, ont joué le jeu de la démocratie sans chercher à en fausser les règles.

4) Cette lame de fond sera d’autant plus puissante que les tenants de l’opposition radicale ont commis l’erreur d’aller chercher à l’extérieur, en France notamment, les appuis que leur refusait la majorité des citoyens congolais. En se faisant soutenir de façon ostensible par les médias publics de l’Hexagone, en persuadant par on ne sait quel artifice les socialistes et l’extrême droite française de les soutenir, en amenant le président François Hollande à se contredire lui-même publiquement, en mobilisant autour d’eux des organisations non gouvernementales peu crédibles, les opposants au référendum ont joué la pire des cartes politiques. Ils ont donné l’impression d’être d’accord pour la mise sous tutelle des gouvernements africains.

5) Ajoutons à ce propos, et pour faire bonne mesure, qu’en ne respectant  pas le devoir de réserve qui s’imposait dans une telle circonstance, les puissances occidentales ont commis elles aussi une grave erreur.  Alors que la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil s’abstenaient de porter le moindre jugement sur la réforme constitutionnelle en cours au Congo, l’Europe et les Etats-Unis ont donné, à tort ou à raison, l’impression que leurs gouvernements soutenaient les « radicaux » contre les modérés de la majorité et de  l’opposition. Ils ont du même coup réveillé des souvenirs de l’époque coloniale qui n’amélioreront certainement pas leur position dans cette partie de l’Afrique.

Au-delà de l’adoption ou du rejet de la nouvelle Constitution que Denis Sassou N’Guesso proposait hier à ses concitoyens se dessinent, par conséquent, des ajustements internes et externes qui auront des conséquences majeures pour le Congo et pour ses partenaires. Mieux vaut donc ne pas s’en tenir aux apparences et tirer les conclusions qui s’imposent de l’évènement que nous venons de vivre.

Nous ne manquerons pas de le faire lorsque le dépouillement des bulletins de vote aura rendu son verdict définitif.

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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