Audiovisuel : fermeture prolongée des médias proches de l’opposition

Mardi 3 Avril 2018 - 16:00

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A près de huit mois des élections générales, l’ONG de promotion et de défense de la liberté de la presse, Freedom for journalist (FFJ), se dit inquiète de la confiscation de la liberté d'expression  dans le pays.

Un monitoring de FFJ, rendu public le 3 avril, revèle que la "Voix du Katanga", une télévision émettant à Lubumbashi, dans le Haut-Katanga, est fermée depuis le 11 mars 2016. Cet organe de presse appartient à Gabriel Kyungu, président de l’Union nationale des fédéralistes du Congo, membre du groupe de sept partis nommé G7, qui ont quitté la majorité en septembre 2015 pour rejoindre l’opposition. Il y a également "Mapendo" et "Nyota", deux médias de Moïse Katumbi, actuellement opposant au président Kabila et candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2018. "Jua Lubumbashi Télévision", appartenant à Jean-Claude Muyambo, un autre membre de l’opposition incarcéré à la prison centrale de Kinshasa, a été aussi réduite au silence. Il en est de même pour "Radio Owoto", émettant à Lodja, dans le Sankuru, et appartenant à l’opposant Lutundula, fermée depuis le 17 septembre 2015.

L’ONG a, en effet, rappelé que d’autres médias, propriétés des membres de l’opposition, ont été réduits au silence puis rouverts à la suite d’incessantes pressions de la société civile. Il s’agit, selon elle, de "Canal Kin Télévision" et "Radio liberté Beni", fermés depuis mi-novembre 2014 puis rouverts plus tard. Ces deux médias sont des propriétés du président du Mouvement de libération du Congo, Jean-Pierre Bemba. Dans cette liste, FFJ a également noté "Canal Futur Télévision" du président de l’Union pour la nation congolaise, Vital Kamerhe, et "Radio Lisanga Télévision" de Roger Lumbala. « Ces médias émettent encore sous la menace de fermeture », a fait observer FFJ.

Libération d’un journaliste arrêté à Kinshasa

La veille, dans un autre communiqué, FFJ avait exigé la relaxation du journaliste indépendant, Eliezer Ntambwe, arrêté à Kinshasa. L’animateur de "Tokomi Wapi ?" (entendez : Où en sommes-nous ? ), un magazine diffusé sur les télévisions de Kinshasa, a été interpellé, à en croire FFJ,  dans la matinée du 2 avril dans son bureau, au centre-ville, par des agents dont certains en uniforme de la police et d’autres en tenue civile. Ils l’ont escorté à pied avant de l’embarquer dans une jeep blanche stationnée à quelques mètres de son bureau. L’ONG a noté que l’animateur a été conduit, à la suite d’un mandat d’amener, au parquet près le tribunal de Grande instance de Gombe où il a été entendu sur procès verbal.

Citant les informations qui lui sont parvenues et qui sont confirmées par des sources indépendantes, FFJ a souligné que l’animateur est interpellé à la suite d’une plainte du gouverneur de la province du Kasaï oriental, Alphonse Ngoyi Kasanji, pour « acharnement et calomnies ». Le plaignant fait savoir qu’en date du 5 mars dernier, le journaliste a invité dans son bureau deux de ses collaborateurs pour les mettre au courant d’une émission pour laquelle il aurait obtenu un financement extérieur pour le tournage, dans une affaire de diamant que le gouverneur aurait voulu extorquer. « Eliezer a fait pression sur mes collaborateurs, leur demandant de me convaincre pour payer de l’argent  en vue de faire bloquer la diffusion de l’émission », écrit le plaignant dans sa « mise au point » citée par FFJ qui, sans entrer dans le fond de l’affaire, dit être d’avis que la démarche du journaliste était celle d’obtenir un autre son de cloche sur l’accusation dont a été l’objet le gouverneur Kasanji, pour, sans nul doute, équilibrer les faits en sa possession, conformément aux prescrits du Code de déontologie du journaliste. « FFJ appelle la justice à rester indépendante puisque si la politique entre au palais, le droit sort par la fenêtre », a dit cette ONG. FFJ craint que les huit mois qui précèdent les élections générales au Congo soient une période sombre pour les journalistes et les médias. « M. Kasanji devra cesser d’utiliser sa casquette de gouverneur pour instrumentaliser la justice », s’est indignée l’organisation.

Lucien Dianzenza

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