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Ban Ki-moon et la présence de l’ONU au Rwanda en 1994

Lundi 14 Avril 2014 - 4:28

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Le discours prononcé le 7 avril à Kigali par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Ban Ki-moon, dans le cadre de la commémoration des vingt ans du génocide rwandais, comportait ces mots que nous reprenons in extenso : « Nombre des membres du personnel des Nations unies et d’autres ont fait preuve d’un courage remarquable. Mais nous aurions pu faire beaucoup plus. Nous aurions dû faire beaucoup plus. Les Casques bleus ont été retirés du Rwanda au moment où l’on en avait le plus besoin. » Prononcés au moment où la France et le Rwanda s’écharpaient sur le rôle prêté à chacun dans ce qui était arrivé au pays des Mille Collines en 1994, ces mots teintés d’humilité exprimaient une volonté d’apaisement que la France et le Rwanda tardent à manifester.

À propos de cette part de responsabilité de la communauté internationale tacitement reconnue par le premier diplomate onusien dans cette tragédie, il faut dire qu’en la matière l’ONU a souvent été devancée et même malmenée par les puissances en présence. Celles qui composent son conseil de sécurité en premier lieu. Ce qui ne veut nullement dire qu’en diverses occasions, passionnément le plus souvent, l’organisation internationale ne fait pas preuve de détermination pour résoudre les conflits qui secouent le monde. Le fait est que, n’étant pas un État avec un territoire distinct, elle ne peut se passer de scruter le rapport de forces de ses membres et de s’y adapter, en particulier lorsqu’il s’agit de décider de l’engagement d’opérations militaires lourdes.

Il est arrivé dans ce cheminement qu’en fonction des intérêts de l’un de ses « gros bras » siégeant au conseil de sécurité avec le statut de membre permanent l’ONU se contente bonnement d’approuver. La chose est faite de telle sorte qu’une abstention de l’un des ses membres qui n’a pas valeur de veto, plus contraignant, n’empêche pas la puissance concernée de lancer les hostilités. Quelques exemples : le refus par la Russie et la Chine de voter la résolution introduite en 2011 par la France sur la création d’une zone d’exclusion aérienne en Libye n’empêcha pas Paris d’ouvrir un front de huit longs mois contre Kadhafi et ses hommes. Cette offensive avait conduit à la chute puis à la mort du guide libyen, avec des effets collatéraux difficilement quantifiables.

L’abstention de la Chine contre la résolution américaine dénonçant le référendum en Crimée n’a pas arrêté le processus qui a abouti au rattachement de cette région ukrainienne à la Russie. Plus emblématique, le veto opposé par la Russie et la Chine à la résolution préconisant des sanctions contre le régime syrien a anéanti toute initiative contraignante de la communauté internationale contre le président Bachar al-Assad. Quelle est la part de responsabilité de l’ONU dans toutes les tragédies qu’elle n’a pu prévenir ni arrêter par la faute des puissances qui la financent et qui en imposent au besoin ? Le débat pourrait se dérouler sans fin.

En somme, l’ONU est une maison savante et humanitaire remarquable, vu les intelligences dont elle regorge. Son dirigeant est le diplomate le plus prestigieux, le problème est qu’il n’a pas souvent les moyens de sa politique. Au moins reste-t-il dans la conscience collective un personnage moral de premier plan dont les prises de position, les coups de gueule et les coups de cœur résonnent aux quatre coins du monde. Parfois, c’est bien le charisme du Secrétaire général de l’ONU qui concentre l’adhésion des peuples et des États à cette machine diplomatique universelle. Pas toujours ses prestations sur le terrain. Dans le cas de ce qui a frappé le Rwanda il y a vingt ans, effectivement, elle avait failli. Il n’empêche, Ban Ki-Moon n’a pas vécu les restrictions imposées à d’autres diplomates le 7 avril à Kigali. Pour s’être montré humble. Mais on voit bien que l’ONU traîne les pieds en Centrafrique. On mangera peut-être encore les excuses dans vingt ans.

Gankama N’Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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