Brazzaville-Kinshasa : les échanges commerciaux entre les deux rives en prennent un coup

Samedi 24 Mai 2014 - 0:00

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Les deux capitales les plus rapprochées au monde présentent aujourd’hui une autre image de leur coopération commerciale. Autrefois, pleine de symboles, elle est mise à mal par les effets des expulsions vécues ces derniers mois

C’est certainement l’une des conséquences de l’opération Mbata ya bakolo lancée à Brazzaville le 4 avril afin de lutter contre l’insécurité grandissante dans la capitale et l’immigration irrégulière. Le constat est positif pour certains, et négatif pour d’autres. Une donne mitigée, que l’on se trouve sur l'une ou l'autre des rives du fleuve Congo, au regard des prix de certains produits sur les marchés des deux capitales.

Aux abords des marchés de Brazzaville, les ressortissants de RD-Congo étaient très présents. « Mwana brouette » par-ci, « Mwana vernis » par-là, leur absence aujourd’hui se fait ressentir. Ce qui pousse très timidement à la reprise de ces activités par des Brazzavillois ou Brazzavilloises, commerçants en produits de beauté, qui n’hésitent pas à reprendre le service de manucure délaissé par les sujets de RD-Congo.

Dans la kyrielle de denrées, alimentaires ou pas, qui inondaient les marchés, des changements sont à observer. Des biscuits, dont la publicité a largement réussi à se faire l'écho des différentes variétés qui sortaient année après année, aux différents détergents, dont les marques sont gravées à jamais dans les mémoires – Pax, Omo ou Soklin –, sont encore repérables dans les marchés ou à la cité.  Mais les prix ont légèrement changé pour les vendeurs qui revendent à la cité : le carton de détergent Omo se trouve à 6 500, voire 7 000 FCFA selon les endroits, contre 6 000 à 6 500 FCFA auparavant. Au détail, les prix n’ont pas encore vraiment changé, mais les commerçants enregistrent déjà une baisse de leurs bénéfices.

L’observation la plus évidente à faire de la situation dans les marchés est la diminution des vendeurs en provenance de Kinshasa. Les allées dans ces marchés, selon les témoignages recueillis, sont plus accessibles qu’avant, démontrant ainsi un changement. La crainte des populations est de voir la disparition à long terme des denrées dont les Brazzavillois ont besoin au quotidien. De l’autre côté, à Kinshasa, les conséquences se font ressentir en premier lieu au niveau de la monnaie, principal lien qui soutenait cet échange commercial entre les deux capitales les plus rapprochées au monde. Le FCFA, contrairement au dollar utilisé en RD-Congo, offre plus de sécurité pour les commerçants.

Les Brazzavillois se rendaient volontiers à Kinshasa pour acquérir toutes sortes de produits. Bijoux en or ou fantaisie, marmites, mèches, ustensiles en plastique (dont les prix sont en augmentation à Brazzaville en ce moment) et bien d’autres produits qui se vendent comme des petits pains au Congo voisin. Sans oublier les pagnes, toute femme africaine digne de ce nom aimant à vanter l’originalité de sa pièce !

Les témoignages rapportés de femmes qui se rendaient régulièrement à Brazzaville pour vendre des denrées périssables rapportent que les carottes sont actuellement très chères parce que n’arrivant plus en grande quantité dans la capitale. Les ménagères redoutent aussi que le prix de l’oignon ou de l’ail augmente ces jours-ci à Brazzaville du fait qu’une grande quantité provenait du Congo voisin. Et du côté de Kinshasa, les difficultés se situent au niveau de l’écoulement des produits auparavant destinés à la traversée, les stocks seraient tout simplement bons à être détruits.

Au moment où au niveau des gouvernements on tente de régulariser l’accès des personnes et des biens, de lourdes conséquences économiques sont à déplorer des deux côtés, et on ne regrettera jamais autant la perte de main-d’œuvre au Congo-Brazzaville. Mais forts d’un héritage culturel commun, on espère que les obstacles seront vite dépassés pour laisser les personnes courageuses continuer à se battre pour leur survie, cela en toute liberté et en toute légalité, quel que soit le lieu où leur activité commerciale sera florissante.

Luce-Jennyfer Mianzoukouta

Légendes et crédits photo : 

Photo : Le marché de la PV, place de la Gare, s'est vidé de son monde habituel. (© DR)