Burundi : Evariste Ndayishimiye prend les commandes

Jeudi 18 Juin 2020 - 12:09

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Le président élu, Evariste Ndayishimiye, a prêté serment le 18 juin au stade Ingoma de Gitega, capital politique du Burundi, devant la Cour constitutionnelle et la population. Une première. Le dauphin de Pierre Nkurunziza devra relever les défis économiques et impulser un nouvel élan.

Pierre Nkurunziza devait remettre le fauteuil présidentiel à son successeur au cours d’une grande fête populaire le 20 août prochain. Mais le décès soudain du président sortant a poussé son héritier et ses soutiens au sein du pouvoir à précipiter la prise de pouvoir d’Evariste Ndayishimiye. Pour ne pas heurter la sensibilité des Burundais, le nouveau président burundais n’a eu droit qu’à une cérémonie « très sobre ».

La prise de fonction d’Evarsite Ndayishimiye lui permet d’« éviter une longue période d’incertitude propice à tous les dangers ».

Selon la Constitution du Burundi, c’est le président de l’Assemblée nationale Pascal Nyabenda, pendant longtemps le premier choix de Nkurunziza pour lui succéder, qui devait assurer cet intérim de plus de deux mois. Mais le groupe des généraux qui contrôlent le pays d’une main de fer est traversé par des tensions qui se sont accentuées depuis la disparition de Pierre Nkurunziza. Ses soutiens n’ont donc pas voulu « tenter le diable », selon un haut cadre du parti au pouvoir.

D’autres pointent le défi que constitue la pandémie de Covid-19 au Burundi, un pays qui ne compte officiellement qu’une centaine de cas testés positifs dont un décès jusqu’ici, alors que des médecins dénoncent « des cas cachés », dont de nombreux décès dans les structures de santé ou à domicile.

De nombreux défis à relever

La situation économique qu’a présenté le pays au cours des derniers jours est contre toute attente « plus dégradée ». Pour sortir le pays du marasme économique et financier auquel il est plongé, le général Ndayishimiye a décidé d’y faire face « tout de suite » car « il se rend compte que la situation pourrait déraper ». Le président élu s’est présenté tout au long de cette campagne comme « l’homme qui vient sortir les Burundais de la pauvreté ».

Améliorer le quotidien de ses concitoyens va donc constituer le grand défi du nouveau président du Burundi et de sa future équipe. Selon la Banque mondiale, trois Burundais sur quatre vivent sous le seuil de pauvreté. Et sur les onze millions d’habitants, 1,7 million sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë sévère, d’après la FAO. Le Burundi figure aujourd’hui parmi les trois pays les plus pauvres de la planète. En quinze ans de pouvoir de Nkurunziza, le taux de pauvreté est passé de 65 à 75 % de la population, selon la Banque mondiale.

Pierre Nkurunziza avait entamé des réformes pour améliorer notamment l’éducation et la santé lors de son premier mandat, des réformes saluées et soutenues par les partenaires du pays, dont l’Union européenne. Mais après dix ans de pouvoir, il s’est isolé pendant les cinq ans d’un troisième mandat. Ses partenaires ont suspendu leur soutien annuel pour boucler le budget et les investissements étrangers se sont effondrés.

Le produit intérieur brut par habitant a chuté et même avant la crise sanitaire mondiale, le Burundi n’envisageait qu’une très faible croissance économique. Ses recettes en divises dépendent largement de l'exportation du café et du thé. L’économie repose sur l’agriculture, qui emploie 80% de la population, le secteur représente 40% du PIB.

Dans le secteur minier, le Burundi est le premier pays africain qui exploite des terres rares ; son sous-sol renferme du nickel, mais l’exploitation de ce minerai ne serait pas rentable.

Même si une partie de la population pense que Evariste Ndayishimiye a gagné à la faveur d’un « hold-up électoral » comme continue de l’assurer le principal parti d’opposition, le CNL d’Agathon Rwasa, nombreux sont les Burundais qui espèrent « un véritable changement », notamment sur le plan économique. Mais avant, le général Ndayishimiye devra « mettre fin à la corruption qui gangrène le système CNDD-FDD, pour y arriver », note les observateurs.

Le nouveau président burundais a une opportunité de tourner la « sombre page » ouverte par la crise politique née de la décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat en 2015. La répression sanglante qui s’en est suivie a poussé jusqu’à 400 000 Burundais en exil et a fait quelque 1200 victimes rien que pendant ses deux premières années selon l’ONU.

Aujourd’hui, les Burundais espèrent donc du général Evariste Ndayishimiye « un discours d’ouverture démocratique et de réconciliation nationale ».

Josiane Mambou Loukoula

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