Candidature commune de l’opposition : un rendez-vous manqué avec l’histoire

Mardi 13 Novembre 2018 - 16:19

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A la veille du démarrage de la campagne électorale prévu le 22 novembre, conformément au calendrier de la Commission électorale nationale indépendante, l'opposition congolaise offre l’image piteuse d’une structure désagrégée et en panne d’inspiration.

Avec la « tragicomédie » que les principaux leaders de l’opposition, réunis récemment à Genève, en Suisse, viennent de gratifier l’opinion en démontrant leur incapacité à se choisir un candidat consensuel, il y a de quoi relativiser désormais sur leurs chances de parvenir à l’alternance tant souhaitée au sommet de l’Etat. Le démon de la division n’a hélas jamais quitté les allées de cette famille politique qui, dans les deux  cycles électoraux qu’a connus le pays (2006 et 2011), s’est toujours présentée en ordre dispersé, sans un élément catalyseur de ses aspirations.

Aujourd’hui encore, elle donne raison à tous ceux qui ont toujours estimé qu’une opposition congolaise est à inventer parce qu’elle n’existe pas. Opportunistes et ventriloques s’y démènent, en effet, cherchant à capitaliser le moindre concours de circonstance pour basculer là où coule le lait et le miel. Des opposants sans conviction, sans repères et inconstants dans leur lutte politique grouillent dans les allées de la politique, faisant constamment un clin d’œil au pouvoir via un extrémisme outré qui, en réalité, n’est qu’un appel de pied en direction des tenants du pouvoir.

Y avait-il vraiment à espérer de la rencontre de Genève dès lors que chacun des participants avait son propre agenda et qu’au-delà des apparences affichées, personne n’était prêt à lâcher du lest au profit de l’autre ? Quel que soit le mode de désignation qui pouvait être utilisé, l’échec était programmé avec, à la clé, une hypocrisie mal dissimulée dans le chef des participants. Les égos surdimensionnés non contenus des uns et des autres relativisaient la portée de l’accord signé le 11 novembre, consacrant Martin Fayulu candidat commun de l'opposition.

Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, les deux favoris des consultations de Genève, n’ont hélas pas supporté se voir damer le pion par un menu fretin en mal de popularité dont le parti politique peine à prendre ses marques dans le microcosme politique congolais. Il fallait vite sortir de l'ornière. Pour ces deux leaders, se ranger derrière le candidat Fayulu constituait une humiliation suprême pour laquelle ils devraient répondre auprès de leurs bases respectives. Le désaveu de ces dernières vis-à-vis du choix opéré à Genève leur a offert un sérieux prétexte pour se désengager carrément de l’accord conclu.   

S’agit-il d’une stratégie délibérée pour favoriser le pouvoir ? Si tel est le cas, Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi répondront devant l’histoire pour avoir fait rater à l'opposition la chance de sceller une candidature commune, un fait qui a toujours relevé d’une simple vue de l'esprit. Un rendez-vous manqué avec l’histoire, dirait-on. Leur désengagement de l'accord de Genève aura porté un coup fatal à l’ensemble de l’opposition qui doit chercher des nouveaux ressorts pour  régénérer face à une majorité présidentielle requinquée et cristallisée autour d'Emmanuel Ramazani Shadary. En surfant sur les déceptions et les amertumes nées de la séquence de Genève, la « Kabilie », qui n’espérait pas mieux, est en train d’œuvrer pour fissurer davantage l’édifice de l'opposition qui prend eau de toute part.

Entre les tenants des élections avec ou sans machine à voter et les inconditionnels de la négation du vote électronique, l’opposition est aujourd’hui écartelée en diverses tendances concurrentes difficiles à rapprocher. Deux blocs ont, de fait, été engendrés à Genève. D’un côté, celui des preneurs qui se disent prêts à aller aux élections et de l’autre, celui de ceux qui continuent à poser des préalables à leur participation aux scrutins en exigeant, entre autres, le rejet de la machine à voter, le nettoyage du fichier électoral et la décrispation du climat politique par la libération des détenus politiques.    

A moins d’un sursaut d’orgueil et d’un esprit de dépassement de la part des acteurs de l’opposition, la messe peut être déjà dite. Le 23 décembre risquerait de n’être qu’une simple formalité pour le candidat de la majorité présidentielle…               

Alain Diasso

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