Catch : tout s’est joué entre mysticisme et fétichisme à la Halle de la Gombe

Lundi 22 Septembre 2014 - 17:45

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Difficile d’établir la limite entre la réalité et l’illusion lors des quatre combats livrés en marge de l’exposition photos Les sorciers du Ring et Catcheurs congolais dans la Grande Halle de l’Institut français (IF) la nuit du 19 Septembre sous le regard d’une assistance en effervescence.

Sayo Lingwanda met KO Liyebo après avoir reconstitué son pigeon La Halle de la Gombe a été le théâtre de spectacles hors du commun la nuit de vendredi, les quatre combats qui avaient mis aux prises dix catcheurs étaient de vraies épreuves de forces mystiques. Il y en avait assez pour laisser sans voix et créer une grande agitation. Le public hétéroclite qui s’était constitué autour du ring érigé au cœur de la Grande Halle avait en bonus la bruyante fanfare, ingrédient participant à l’atmosphère surréaliste propice aux démonstrations plus impressionnantes les unes que les autres des sorciers du ring.

D’entrée de jeu, le premier spectacle offert par Sayo Lingwanda et Liyebo plantait le décor de la soirée qui s’est déroulée dans une atmosphère fortement empreinte de mysticisme. À peine vêtu d’un simple morceau d’étoffe rouge noué autour des reins, le lingwanda, culotte qu’arborent généralement les lutteurs traditionnels, Sayo a eu raison de son adversaire pourtant plus frêle non pas à la force de son poignet mais en usant d’un sortilège. En effet, c’est à l’aide de son pigeon « Yaya » qu’il l’a mis K.O. Dans un premier temps désaxé par le démembrement de l’oiseau décapité avec les dents et ensuite coupé en deux par Liyebo qui s’en est en partie aspergé le sang avant de reproduire ce geste sur son torse nu, Sayo est parvenu à recoller les morceaux à l’aide d’une poudre blanche extraite d’un carton. La reconstitution s’est réalisée sous le regard amusé des uns et médusé des autres, comme s’il recollait une simple feuille de papier déchirée.

Le second combat est le seul où la force physique a pris le dessus sur le fétiche. Aux prises avec Autriche Liboma (le fou), City Train, champion d’Afrique de catch 2010, est venu à bout des tentatives d’envoutement de son adversaire malgré le renfort de Gorille. Mais c’est non sans peine qu’il a réussi à river sur le sol les deux compagnons qui ont fini le combat inanimés. Triste fin pour Autriche Liboma qui, comme son nom l’indique, est une sorte de fou furieux. Son entrée, l’une des plus spectaculaires de la soirée chaussé d’un seul pied, un mini short en lambeau d’un côté plus long que l’autre et surtout le cou enserré d’une chaîne dont une partie couvre le torse impressionne. Cette apparition scénarisée de sorte à souligner la dangérosité du personnage, tiré par la chaîne alors qu’il y oppose une certaine résistance, n’aurait été que pur spectacle. Le prétendu fou à lier ne fait pas le poids face au robuste City Train qui ferait bien le double, voire le triple de sa masse. Plus pitoyable encore était le tableau offert par Gorille dont les gesticulations de grand singe n’étaient au final que pures grimaces puisqu’il a fini le combat au tapis écumant et inerte au point qu’il a été extrait du ring et transporté à bout de bras dans les coulisses.Autriche Liboma et Gorille laissés inanimés par le robuste City Train

Guerrier Maseke distribuant paquets de biscuits et boites de sardines Un catcheur généreux

Tombeur de Sacré, Guerrier Maseke était définitivement plus puissant que son adversaire. Monté sur le ring avec trois accessoires, deux cercueils et une canne en plus de son habituelle coiffe de cornes d’antilopes. Un peu moins chargé, Sacré arbore un fétiche ancestral, une statue dont l’aspect ne laisse aucun doute sur son office : un objet d’ensorcellement. Le public assiste même à une scène macabre où la canne de Guerrier Maseke et la statue de Sacré sont placés face à face à près d’un mètre de distance essayant l’un comme l’autre de neutraliser le pouvoir adverse. L’autre démonstration de force, c’est le feu qui trouve sa place dans le spectacle où il n’est question que de pratiques occultes. Et la cerise sur le gâteau, c’est quand après mis K.O. Sacré, le Guerrier aux cornes tire de son cercueil rouge, celui-là meme qui a servi à river au sol son adversaire, des sucreries, notamment des paquets de biscuits et autres boîtes de sardines qu’il jette à l’assistance. Pourtant vide quelques instants plus tôt, il l’avait exhibé juste avant qu’il ne s’agenouille à côté de Sacré désormais hors de combat.

Vainqueur contre le duo Zombie Yannick-Hosanna, 6 Bolites a servi un spectacle de fin déconcertant. La suprématie du catcheur vêtu des couleurs nationales de pied en cap, masqué de surcroît, ne faisait aucun doute. Les gringalets ne pouvaient pas espérer faire mouche face aux gros biceps de 6 Bolites, si évidemment ils ne comptaient pas sur leurs fétiches et aux mauvais sorts qu’ils avaient choisis d’opposer à sa force. Plus entreprenant que Hosanna, le jeune catcheur à la jupette Zombie Yannick a accusé néanmoins deux échecs lors de ses deux tentatives d’envoûtement. Acharné à vouloir faire danser son adversaire, il n’y parvient qu’au troisième essai et avec grand peine. Mais à son tour, 6 Bolites recourt au sort pour en découdre avec ses deux antagonistes. Après les avoir cloués au sol et gagné le combat, il prend un malin plaisir à les ensorceler comme pour se venger de l’avoir tourné en ridicule quelques instants. Comme pris de folie, l’un à la suite de l’autre mais également Autriche Liboma venu à leur rescousse, ils ont couru hors du ring et se sont agrippés sur la charpente métallique de la Halle. Perchés jusqu’à ce que 6 Bolites daigne défaire son sortilège s’approchant de la charpente. Quelques mots, que l’on suppose être une formule magique, ont suffi à cet office. Sortis de l’enchantement, les trois catcheurs reviennent sur le ring surpris de constater que le combat avait déjà pris fin.Le sortilège de Zombie Yannick opère sur 6 Bolites après deux vaines tentatives

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Sayo Lingwanda met KO Liyebo après avoir reconstitué son pigeon Photo 2 : Autriche Liboma et Gorille laissés inanimés par le robuste City Train Photo 3 : Guerrier Maseke distribuant des paquets de biscuits et des boîtes de sardines Photo 4 : Le sortilège de Zombie Yannick opère sur 6 Bolites après deux vaines tentatives