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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : « Il a bougé »

Vendredi 12 Octobre 2018 - 13:58

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Le conseil des ministres du samedi 6 octobre 2018 a épinglé des cas d’absentéisme avérés dans de nombreuses structures de l’Etat. Il a décidé « de rendre publiques les identités, administrations ou structures d’origine des agents ainsi débusqués, tout comme les lieux de jouissance où ils ont été surpris ».

Cette décision a suscité trois types de réaction : l’approbation, la contestation et la dérision. Ceux qui ont un sens du respect du travail ont applaudi des deux mains, prêts à encourager le gouvernement à faire davantage pour remettre le Congolais au travail ; ceux qui ont pris les mauvaises habitudes,  encouragés en cela par la grande permissivité et le laxisme ambiant, boudent, criant à la délation ; enfin ceux qui, s’appuyant sur les différentes déclarations du chef de l’Etat, parlent de diversion, non sans rappeler les propos de ce dernier : « parmi les premières attentes de notre peuple, il y a l’espoir que s’arrête rapidement la dérive morale qui est en train de gangrener notre société ». Et, le très mauvais rapport des Congolais au travail est la première gangrène. On ne construit pas un  pays avec des paresseux. Tous ceux qui ont réussi à changer les mentalités de leur population  ont dû batailler et  faire preuve de fermeté et de rigueur. Le chef de l’Etat en est conscient et en parle régulièrement, préjugeant des capacités de  ses compatriotes à changer d’attitudes et de comportements pour changer le Congo. Ce que les contempteurs de la décision gouvernementale retiennent, c’est le décalage entre les déclarations présidentielles et leur mise en œuvre.  Le retard dans l’allumage s’explique par le fait que le pouvoir a des impératifs que l’opinion ignore. Installés dans le confort de leur impéritie et inquiets de la nouvelle tournure que prennent les événements, ceux qui ont été épinglés s’ébrouent et  crient à la délation. Enfin, une troisième réaction émane de ces personnes veules qui sont toujours prêtes à la critique.  Elles se donnent le beau rôle de procureurs. Lamentable. Au demeurant, ceux qui réclament à tue tête le paiement des salaires sont paradoxalement ceux qui travaillent le moins. Les syndicats, toujours prêts à user du spectre de la grève pour faire aboutir leurs revendications salariales, ont un rôle d’éducation de leurs syndiqués.  Sur ce plan, ils ont, hélas, abdiqué. « 7 heures de travail et non 7 heures au travail », clamait naguère la « vaillante et puissante CSC », affiliée au PCTA, fait partie du passé. En effet, le salaire est la contrepartie d’un travail réellement effectué. Il a été transformé en situation de rente par les fonctionnaires et assimilés. Il est courant dans nos administrations d’entendre cette phrase : « Il a bougé », pour dire qu’un agent est hors du service,  mieux hors service. Aucun salarié du secteur privé ne se permettrait une telle libéralité ; il doit justifier son salaire par sa présence et son travail. L’agent de base n’est pas seul à blâmer. La hiérarchie n’est pas moins coupable de ce laisser-faire.  Dans les hautes sphères de l’Etat, jusqu’à 9, voire  11h,   il n’est pas rare de constater que certains responsables ne sont pas à leur poste. Que font les agents dans ce cas ? La même chose. Pour ceux qui commandent ,  l’exemplarité est un impératif.

Beaucoup de travailleurs d’aujourd’hui n’ont pas vécu l’époque du CMP  (Comité militaire du parti), marquée par une moralisation tous azimuts de la société. Le contrôle était drastique.  En dépit de quelques regrettables excès, les résultats furent probants. On ne parlait guère de délation mais d’un juste retour des choses. Après une période de geignements, tout devint normal. Plus de tenues délabrées au travail,  plus de mouchounis ya Bata dans le centre ville, ponctualité de rigueur, etc. Ceux qui étaient pris la main dans le sac, au propre comme au figuré, payaient cash leurs errements. L’ordre était rétabli par la manière forte. Le Congolais avait renoué avec la morale, l’éthique professionnelle et le travail . Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont.

Après la méthode homéopathique distillée sans grand résultat, le gouvernement a, semble-t-il, décidé de  remettre l’ordre dans la marche de l’Etat. Il a choisi désormais de « Surveiller et punir », pour emprunter le titre d’un ouvrage de Michel Foucault. Ce qui est une bonne chose, pour créer un nouveau contexte fait d’exigence ; exigence envers soi-même, envers les autres et envers le travail. La relation au travail, quand elle est biaisée, produit des situations perverses et calamiteuses. On peut ici, par exemple, épingler  l’absentéisme  coupable des enseignants qui contribue à inculquer aux élèves et les étudiants le goût du moindre effort. Cette inclination trouvera un terrain fertile dans  leur future vie active et les prédisposera, par imitation sociale,  à moins travailler et vouloir gagner beaucoup. C’est la porte ouverte à la corruption qui gangrène nos administrations. C’est donc un cercle vicieux.

Trop de saupoudrage dans la mise en œuvre de la rigueur, prônée avec raison par le chef de l’Etat, retient le Congo hors du cercle vertueux. La rigueur doit contribuer à l’émergence du nouveau Congolais pour rendre plus compétitive l’administration congolaise engoncée dans ses travers. L’Etat devrait s’inspirer du management des entreprises privées. Au demeurant dans la haute administration congolaise, faute de passerelle et de tradition, les cadres issus du privé sont peu présents. De même, pour des mauvaises raisons, liées essentiellement à l’épisode communiste, la classe politique est essentiellement composée d’anciens fonctionnaires.  C’est la tendance générale. Une hirondelle ne fait pas le printemps.  Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

 

Mfumu

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