Opinion

  • Brin d’histoire

Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : la Grande Ecole de Poto-Poto

Jeudi 28 Septembre 2017 - 16:13

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


La Grande École, à Poto-Poto, est comparable à une église au milieu du village. C’est un point de repère. De nombreux cadres de ce pays sont passés par ce lieu emblématique de la formation scolaire à Brazzaville. En perte de vitesse, en raison de la conjonction de plusieurs facteurs dont : l’obsolescence des lieux, l’absence d’enseignants et la désertion des écoliers au profit des écoles privées qui se nourrit des lacunes de l’enseignement public.

Au moment de l’accession du Congo à l’indépendance, Poto-Poto compte 7 écoles : la Grande École, la Petite école ou école de la Mosquée, écoles publiques, l’école Saint Vincent A et B, l’école Sainte-Thérèse, écoles confessionnelles, une école de filles, l’école ménagère. Une école maternelle existait sur la rue Paul Kamba, à côté de Caritas, un home des vieillards. Plus de 50 ans après, Poto-Poto village attend toujours des lycées et centres de formation pour sa jeunesse. Le dispensaire de Poto-Poto n’a toujours pas fait sa mue, alors que de nouveaux quartiers disposent de centres hospitaliers modernes. Sous d’autres cieux, on dit : « Y a du boulot ».

À l’initiative du Gabc (Groupement d’Associations Bana Congo), dirigé par Roch Akindou, sous la houlette du président d’honneur de cette association, Denis Christel Sassou Nguesso, la Grande École, qu’on désignait aussi École officielle, par opposition à l’école confessionnelle, a subi un vrai lifting pendant ces dernières vacances scolaires. De nouvelles latrines modernes, des bâtiments relookés, l’éclairage installé et une aire de jeu multisports a été aménagée. La Grande École a toujours eu pour vocation d’être un terrain de jeu. C’est ainsi que le 14 juillet 1929, le gouverneur général Antonetti inaugura le stade de la Grande École de Poto-Poto (actuelle école de l’Unité africaine). Le public a pu y voir des joueurs comme Joseph-Joachim Balimba « Ngengé », Jean-Bernard Foundoux (père de Mulélé), Bernard Mambéké-Boucher « Roi », Albert Loboko « Nyoka », Casimir Bocouala « Di Lorto », Jean Bouanga, Félix Mombo, Bernard Baruti, François Mombilo, etc. Albert Loboko, musicien émérite et pionnier de la musique congolaise moderne, fut par la suite maire d’un arrondissement 1, à Pointe-Noire ; Mambéké-Boucher, Premier ministre des sports dans le gouvernement Opangault ; François Mombilo, l’un des premiers arbitres congolais de football avec Paul Kamba, etc. Longtemps après ces anciens, des jeunes gens regroupés dans des équipes comme Pergola de Cognac François, Massembo Yako, Loumeto, Ongagna Excellent, Maloumbi ; Florex de Babindamana, Bukson, Gonano, Miéré Chine ; l’Union sportive de Moungali de Mayanda, Moubenza Toussaint et autres en firent, à leur tour, le lieu de leurs joutes sportives. Plus tard, vinrent Oiseau du ciel, Rose Noire, Lens, Brésil, Rotin, etc. Il arrivait que les matches s’achevassent par des bagarres homériques au cours desquels les possesseurs de talismans (kamon ou câble) inspiraient la terreur à leurs adversaires. Le kamon, discret, consiste en des scarifications sur les poignets ou sur le torse, supposées conférer une force herculéenne ; son équivalent, le câble est un collier porté ostensiblement sur l’avant-bras et ayant les mêmes vertus talismaniques. Un mythe, longtemps propagé à Poto-Poto, faisait du « kamon » de Pangala, une véritable panacée dans ce domaine.

Nos aînés, passés par la Grande École, nous ont légué deux pratiques : les lettres d’amour et les cahiers de chansons françaises. L’amour épistolaire, souvent platonique, en ces années 60, s’exprime à travers des lettres d’amour enflammées. Les relations encore très prudes, entre filles et garçons, sont vécues sous le sceau du secret. Corolaire des lettres d’amour, les garçons avaient des cahiers de « tourments », ce dernier mot désigne les recettes de philtres d’amour, En outre, ils possédaient, des cahiers de chansons à la mode. C’était, toutes époques confondues, avant et après l’indépendance, l’ère de « Milord », une chanson de 1958, de Georges Moustaki sur une musique de Marguerite Monnot, faite sur mesure pour Edith Piaf, dite « La Môme », lors d’une tournée aux Etats-Unis où l’accompagne son auteur, alors âgé de 24 ans, et dont ce sera le premier succès. Moustaki, de son vrai nom, Joseph Mustacchi, est né à Alexandrie en Egypte. Il arrive à Paris, où il travaille dans l’édition, avant d’entamer une carrière artistique couronnée de lauriers ; «Salade de fruits » de Bourvil, interprète français, né en 1917 et décédé en 1970. Connait aussi son heure de gloire. Cette chanson, sortie en 1959 a enjambé l’année de l’indépendance ; Toujours en 1959, « Faut rigoler » d’Henri Salvador et Boris Vian connait un véritable succès sur la Radio Brazzaville. Henri Salvador, Guyanais, comme le gouverneur général de l’Afrique centrale, Félix Eboué, est né à Cayenne en 1917. Il débarque à Paris à l’âge de 7 ans et se passionne pour la musique. Boris Vian, lui, est né à Ville-d’Avray en France, en 1920. Auteur compositeur flamboyant, il est décédé, à Paris, en 1959.  Boris Vian est déjà célèbre en tant que romancier avec sa bombe littéraire « j’irai cracher sur vos tombes » publié en 1946, avant de se lancer dans la composition. Varenagh Aznavourian, Charles Aznavour pour le public, né à Paris de parents arméniens, en 1924, connait des débuts difficiles. Ses chansons, comme « j’ai bu », chantée, en 1947, par Georges Ulmer, connaissent pourtant du succès. Il a dû attendre son passage à l’Olympia puis à l’Alhambra pour que la chance tourne. Le public applaudit l’artiste raté décrit dans sa chanson « je m’voyais déjà ». De son vrai nom Constantino Tino, Tino Rossi né à Ajaccio en 1907, décédé à Neuilly-sur-Seine, en 1983, fut un immense interprète. Comme l’écrit Jean-Louis Calvet, « avec lui, les paroles les plus scabreuses se purifient : il transforme une statue de sel en sucre d’orge et, de « l’Ave Maria » au « Petit Papa Noël », il évolue dans un monde désincarné peuplé de sentiments sublimes. » Toutes ces chansons resteront sur toutes les lèvres qui les ont fredonnées. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

 

 

MFUMU

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Brin d’histoire : les derniers articles