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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : les médias du Congo à l’heure de la liberté de la presse

Jeudi 25 Janvier 2018 - 18:45

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Plus de vingt-six ans après, que reste-t-il de la Conférence nationale souveraine ? Les propriétaires fonciers, le  multipartisme et la liberté de la presse. C’est le dernier héritage qui nous préoccupe ici. Que vaut la liberté de la presse, si on ne peut  l’exercer ? Ce n’est pas tant le principe qui est en cause, puisque toutes les Constitutions post-conférence nationale l’ont consacré, mais les conditions d’exercice de cette liberté : les ressources financières, les moyens matériels et humains.

La presse écrite est la première à avoir défoncé les écluses qui entravaient  la liberté de la presse. Comme en France, lors de la proclamation de la IIe République, le 24 février 1848, et l’institution de la liberté de la presse, les journaux se mettent soudain à pulluler au Congo, à la faveur de la Conférence nationale souveraine en 1991. Chaque homme politique ou chaque parti cherchant à créer sa tribune pour y répandre ses opinions. C’est le cas du journal Le Soleil du MCDDI (Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral), ou de La Forge du RDD (Rassemblement pour la démocratie et le développement).  D’autres titres de la même obédience  naîtront plus tard. Mais le fait le plus remarquable, c’est l’arrivée des néo-journalistes, sortis de l’université qui décident de mettre le pied à l’étrier. Ils créent des journaux - avec très peu d’argent, mais avec la volonté de réussir - parmi lesquels, Madukutsekele   et Le Choc. D’autres titres de cette épopée glorieuse, Libertés, Aujourd’hui et tutti quanti, surgis dans les jours et les semaines qui ont suivi l’ouverture de la Conférence nationale souveraine, ont définitivement disparu. Depuis, de nouveaux titres, souvent météoritiques, contribuent à la survie de la presse écrite.  Quelques journaux, portés à bout de bras par d’obscurs commanditaires, font de la résistance. La présence du quotidien Les Dépêches de Brazzaville est la seule évolution notable dans l’univers de la presse congolaise, depuis la fin de la Conférence nationale. Ce succès, il le doit à la forte capacité d’organisation de ses promoteurs, à une équipe de rédacteurs opiniâtres et à une logistique qui fait constamment ses preuves. Sa magnifique incandescence devrait, si les conditions sont réunies, illuminer toute la presse nationale. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

C’est le lieu ici de saluer Emile Gankama, son directeur des rédactions, à la prolixité étonnante. Ses analyses pertinentes en font, incontestablement, l’une des figures  de proue de la jeune garde journalistique. Auteur d’une œuvre polymorphe, « ses phrases très pures coulent comme de l’eau de roche sur un écrin de mousse.  Dans ses opus, les fleurs de rhétorique sont abondantes ». Un exemple à suivre.

La presse écrite au Congo n’est pas pire qu’ailleurs en Afrique. Vingt-sept ans, après son  printemps, elle survit avec ses tares congénitales: statut juridique équivoque, faiblesses matérielles, financières et humaines. Faut-il s’en réjouir ou s’en contenter? À l’évidence, non ! Même la vénérable La Semaine Africaine, créée en 1952,  connaît de sérieuses difficultés de survie. Hormis le journal Les Dépêches de Brazzaville, né longtemps après la Conférence nationale souveraine, la presse écrite reste un bazar et un chantier indescriptible.  Les médias audiovisuels qui s’inscrivent dans la même dynamique de liberté,  n’échappent pas aux vicissitudes relevées au sujet de la presse écrite. Aucun d’eux ne répond aux exigences de gestion orthodoxe d’une entreprise audiovisuelle. Une remise en ordre s’impose dans le secteur des médias. Que faire ? Deux choses.  En prime, revoir la loi sur la liberté de la presse, lacunaire sur de nombreux aspects. Dans son esprit,  n’importe qui peut créer un journal. La déclaration préalable au procureur étant la seule obligation clairement stipulée. Rien sur la forme juridique et économique du journal. Ce qui explique ce foisonnement de titres, dont la plupart,  sans statut juridique et économique précis, relèvent davantage du tract que du journal. Au surplus,  les conditions d’accès à la profession ne sont pas explicitement définies. La deuxième chose, mettre l’accent sur  la formation pour améliorer la qualité des prestations dans nos médias.  À cet égard, un centre de formation professionnel aux métiers des médias est une impérieuse nécessité. La solution à tous les autres problèmes, qui handicapent l’émergence d’une presse de qualité, dépend d’une loi sur la presse revisitée à bon escient. Les problèmes sont connus. Tout le reste, c’est du pipeau.

En 1992, les Assises de la presse ont eu lieu, sous l’impulsion de Jean-Blaise Kololo, alors ministre de l’Information. Que sont devenues les recommandations adoptées à l’époque? Qu’est-ce qui a été fait ? Qu’est-ce qui ne l’a pas été ? Pourquoi ? Un comité d’experts de haut niveau minutieusement choisis, pourrait répondre à ces questions et publier un livre blanc sur ce sujet, pour envisager, à moindre frais, une thérapeutique adaptée aux dernières évolutions des médias au Congo. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.                                                                                                                      

 

Mfumu

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