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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : propos sur la Conférence nationale

Jeudi 22 Mars 2018 - 19:10

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Le 19 mars dernier, j’ai organisé au Radisson Blu une cérémonie de dédicace de mon ouvrage intitulé : « Le Roman historique de la Conférence nationale ». Pour certains participants à cette cérémonie qui n’avaient pas lu le livre, le titre posait problème. Une polémique frivole s’est installée autour de l’expression « roman historique » qui s’inscrit pourtant dans la lignée de  Villehardouin, Commynes ou Michelet. Cet ouvrage  aurait pu s’appeler : Chronique de la Conférence nationale souveraine. J’ai choisi de prendre les chemins  de traverse. L’échange ou le débat, pour être utile, doit être fécond, rationnel et cohérent. Ce qui n’a pas toujours été le cas. L’occasion était belle, pour certains orateurs, de mettre en exergue leur propre contribution à la tenue de la Conférence nationale souveraine. Ego quand tu nous tiens ! Dès lors, l’exigence du débat dépassionné s’efface lorsque la mauvaise foi et la passion  règnent  en maîtresses absolues.

Le roman est défini comme une œuvre d’imagination en prose assez longue, qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, fait connaître leur psychologie, leur destin.  Ici, le roman est historique, parce qu’il repose sur une réalité : la Conférence nationale souveraine qui a eu lieu du 25 février au 10 juin 1991. "L’Agence congolaise d’information" en a fait une couverture quotidienne. C’est la compilation de ces textes qui constitue la trame de ce roman historique ; d’une part, ces textes dévoilent la psychologie des acteurs de cette grand’messe et, d’autre part, par un jeu de miroir, pour reprendre l’expression de Charles Cooley, ils retrouvent l’image qu’ils ont projetée d’eux-mêmes, il y a plus d’un quart de siècle.

 La Conférence nationale souveraine s’est définitivement inscrite dans l’histoire du Congo. Les lecteurs, lors de la prestation de l’ouvrage, ont, méthodologiquement, fait le choix d’une présentation iconoclaste qui a, semble-t-il,  heurté l’ « académisme » de certains universitaires conservateurs définitivement corsetés dans des schémas éculés ;  « la mode est un tyran dont rien ne  nous délivre » (la Bruyère). L’histoire d’hier se poursuit encore aujourd’hui. Les contempteurs d’hier sont devenus des laudateurs d’aujourd’hui. Les alliés d’hier sont désormais des adversaires d’aujourd’hui. Le compromis politique, évoqué par certains intervenants, ne reposant pas sur une ligne de fracture idéologique  a,  dans de nombreux cas, débouché sur la compromission vénale, essentiellement. «  L’homme ne se définit pas par ses rêves ni par ce qu’il dit, mais et par ce qu’il fait et par son action ».

Si la page de la Conférence nationale souveraine, à mon avis,  est définitivement tournée, ses réminiscences sont là devant nous avec ses légendaires retournements de veste. Quels sont à ce jour les acquis de la Conférence nationale souveraine ? Le multipartisme et la liberté de la presse ? Certains ont évoqué la réhabilitation de certains cadres épurés de l’administration ou de l’armée, raison de satisfaction pour les bénéficiaires ; mais les jeunes diplômés ont-ils trouvé des emplois? C’est l’habituel conflit entre l’intérêt personnel et l’intérêt collectif qui nous saute à la figure. Les Actes de la Conférence nationale souveraine, qui avaient pour but de contribuer au changement d’univers, n’ont jamais été appliqués et sont irrémédiablement frappés d’obsolescence. Qui va les ressusciter ?  La justice sociale, l’éthique républicaine et le développement national qu’ils étaient censés accélérer sont restés des vœux pieux. « Les vertus se perdent dans l’intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer ».

La Conférence nationale avait révélé quelques jeunes loups. Que sont-ils devenus ? Leur subite renommée a fondu comme neige au soleil.  Ils sont tous rentrés dans les rangs du pouvoir actuel ou de l’opposition. Ils n’ont pu  accéder, par la suite,  à une notoriété nationale durable. Pour preuve, les institutions constitutionnelles sont, en général,  dirigées par des « leaders installés » de la politique congolaise qui ne peuvent se réclamer de la Conférence nationale.

Peut-on encore discuter de la Conférence nationale souveraine ? Oui, évidemment. « Le Roman de la Conférence nationale souveraine » est un ensemble de matériaux à la disposition de ceux qui veulent réfléchir sur ce moment de l’histoire nationale, compromis, dévoyé et dépravé par la suite.

Peut-on porter un jugement définitif sur la Conférence nationale ? Oui. Je persiste dans mes convictions. « Je ne sais ni tromper, ni feindre, ni mentir ». La Conférence nationale souveraine, cette montagne d’illusions, a échoué, écrivais-je, la semaine dernière. Ce qui avait fait alors son succès, l’illusion du changement,  s’est retourné contre elle. Aujourd’hui, ne subsistent  dans la conscience collective que son caractère insurrectionnel et quelques débris qui témoignent encore de son « historicité ». Mais au fond, si c’était pour revenir à la case du départ, valait-elle vraiment la peine ?  Non évidemment ! Les Héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.                                   

Mfumu

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