Chronique : les vrais chiffres des financements climat

Samedi 5 Mai 2018 - 16:13

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Les mois passent, les rencontres et conférences sur la « cause » climatique ne cessent de s’enchaîner, signe que cette question environnementale revêt une importance cruciale. Alors que Brazzaville venait d’abriter, le 29 avril dernier, le premier sommet des chefs d’État sur le Fonds bleu du Bassin du Congo, voilà que dès le lendemain s’ouvrait à Bonn (Allemagne) une réunion de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Les délégués des cent quatre-vingt-quinze pays signataires de l’accord de Paris, destiné à contenir le réchauffement planétaire sous le seuil des 2 °C, vont débattre jusqu’au 10 mai sur plusieurs questions préoccupantes dont celle des financements. Ces quelque quatre mille accrédités vont mettre à l’épreuve leur capacité d’écoute sur l’un des dossiers les plus crispants des négociations : les financements.  À ce propos, le rapport que publie l’ONG internationale Oxfam risque de faire chuter la cote de confiance que l’institution onusienne cherche à maintenir. Intitulé « 2018 : les vrais chiffres des financements climat », le document passe en revue les données publiées par les pays bailleurs pour la période 2015-2016 et s’interroge sur le chemin qui reste à parcourir par les nations du Nord, donc les pays pollueurs, pour tenir leur engagement de mobiliser conjointement cent milliards de dollars (quatre-vingt-trois milliards d’euros) par an, d’ici à 2020, en faveur des pays du Sud.

Le rapport s’ouvre sur un chiffre qui devrait faire frémir quelques délégués siégeant à Bonn. Selon les estimations d’Oxfam, le montant total des financements climat publics déclarés par les bailleurs s’élève à quarante-huit milliards de dollars par an. L’ONG pousse l’analyse plus loin et considère que seuls seize à vingt-et-un milliards de dollars aident réellement les pays du Sud, puisqu’une grande partie des fonds engagés par le Nord financent des projets dont le climat n’est qu’un volet d’action.

L’un des principaux problèmes que pointe ce rapport concerne la comptabilisation excessive des financements fournis. En effet, nombre de bailleurs surévaluent l’élément climat d’un projet de développement dont le changement climatique n’est en fait qu’un aspect d’un programme plus vaste. De même, comptabilisés à leur valeur nominale, les prêts et autres types de financements qui ne sont pas des subventions mais seront à terme remboursés faussent grandement le montant de l’aide que les pays en développement reçoivent réellement.

Oxfam engage vivement les États à mettre fin à cette pratique et à comptabiliser la « part dons » de leurs prêts climat, autrement dit à ne prendre en compte que la valeur financière nette transférée aux pays en développement hors remboursements des intérêts et autres frais.

L’organisation de coopération et de développement économiques a récemment adopté des règles similaires pour comptabiliser l’aide au développement. Le rapport d’Oxfam indique également dans quelle mesure les différents États sont généreux en subventions. Alors que les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, notamment, ont fourni plus de 90 % de leurs financements climat sous forme de subventions en 2015-2016, d’autres comme la France en sont loin.

Ce qui amène l’ONG à tirer les conclusions suivantes :

  • L’augmentation des financements climat résulte en grande partie d’un recours massif aux prêts, en particulier à destination des pays à revenu intermédiaire.
  • L’aide publique accordée sous forme de subventions ne répond pas aux besoins et n’augmente pas assez vite. Selon les estimations, le montant des subventions se situe entre onze et treize milliards de dollars, contre dix milliards lors de la dernière évaluation portant sur la période 2013-2014.
  • Le financement de l’adaptation au changement climatique reste largement négligé, ne représentant que 20 % des financements climat publics, contre 19 % en 2013 et 2014.
  • La part des financements publics accordés aux pays les moins avancés n’a pas augmenté, stagnant à environ 18 %.

Au vu de tout ceci, il est clair que la promesse des cent milliards de dollars par an, d’ici à 2020, sera difficile à tenir. La prochaine COP qui se tiendra en Pologne, en fin 2018, devra s’atteler à corriger cette anomalie qui consiste à annoncer des promesses et des engagements avant de se mettre d’accord sur les règles.

Boris Kharl Ebaka

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