Cinéma : «Timbuktu», après le triomphe, la polémique

Vendredi 27 Février 2015 - 23:11

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Dix mois après la première projection au Festival de Cannes, Timbuktu a fait un beau chemin. Récipiendaire d’une douzaine de prix dont sept César du cinéma français, une nomination aux Oscars 2015 dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère, et 825 000 entrées en salle (avant la cérémonie des César), le long-métrage du Mauritanien Abderrahmane Sissako voit soudain planer une ombre au-dessus de sa tête.

Pour rappel, Timbuktu prend place au Mali : Tombouctou est tombé sous le joug des islamistes qui ont imposé la charia et une répression féroce, tandis que ses habitants résistent, au nom d’une autre conception de l’Islam. Kidane et les siens vivent non loin de la ville, ils sont épargnés jusqu’au jour où l’éleveur touareg se retrouve au cœur d’un conflit avec un autre habitant.

Abderrahmane Sissako, qui avait été honoré à Cannes du prix Francois Chalais récompensant les valeurs du journalisme, a été particulièrement loué et sollicité pour la réflexion que pose Timbuktu à propos de l’homme violent en tant que tel, ses motivations, son errance, et la cruauté collective.

Mais après les louanges, l’heure est aux doutes et aux accusations. Déjà en décembre dernier, la journaliste, grand reporter et spécialiste de l’Afrique, Sabine Cessou, avait jeté un pavé dans la marre en dénonçant une production trop cantonnée aux clichés français à propos du peuple touareg, donnant un spectre trop limité de la barbarie islamique et une version simplifiée de la reconstitution de la prise Timbuktu et des enjeux au Mali, «une partie très tronquée de la réalité».

Des liens politiques embarrassants

Après la critique de fond, le malaise. Nicolas Beau, journaliste et créateur de Mondafrique, taxe Sissako d’«imposture mauritanienne» et dénonce les liens entre le réalisateur et le gouvernement mauritanien, incarnés entre autre, par sa fonction de conseiller culturel du président controversé Mohamed Ould Abdel Aziz. Des relations qui lui auraient donné un sacré coup de pouce pour la mise en place de son film : «L’ami Sissako n’a rallié la présidence que pour utiliser la logistique de l’armée mauritanienne afin de tourner son film réalisé à la frontière mauritano-malienne et recevoir, pendant toutes ces années grâce à sa sinécure, un confortable traitement. Ce sont des militaires mauritaniens qui dans son film jouent le rôle des hommes de la police islamique.», accuse Nicolas Beau sur Mondafrique.fr. Une charge à laquelle Abderrahmane Sissako a répondu dans les colonnes du quotidien français Libération : «Je ne suis militant d’aucun parti, je ne soutiens personne et je n’ai jamais assisté à un meeting. Je ne l’ai jamais remercié dans aucun discours. J’ai un statut d’ambassadeur culturel, c’est tout», avant d’accuser le journaliste de toucher de l’argent du banquier Mohamed Ould Bouamatou, opposant au régime mauritanien et l’un des financiers de Mondafrique, rapporte le journal.

 

 

 

Morgane de Capèle

Légendes et crédits photo : 

Une moisson de césar pour Abderrahmane Sissako et son équipe ; (Crédits photo: DR)