Colloque sur la Libye à Paris. Ageli Abdulslam Breni : « Nous n’accepterons aucune autre médiation autre que celle de l’Union africaine »

Mercredi 27 Septembre 2017 - 18:30

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L’implication de l’Union africaine (UA) dans le règlement de la crise libyenne  a été au centre d’un colloque initié par l’Institut Robert Schuman pour l’Europe (IRSE), l’Institut Prospectives et sécurité en Europe (IPSE) et  Stratégie Géopolitique Monde à Paris. 

Les intervenants ont souligné «l’incontournabilité» de l’expertise de l’UA, considérée comme «partenaire indiscutable et indissociable» pour sortir la Libye du chaos dans lequel elle est plongée depuis l’assassinat du colonel Mouammar Kadhafi. Ils regrettent le silence de la communauté internationale et réclament un rôle accru du président du comité de haut niveau pour la Libye. Quelques sommités des réglements des conflits ont partagé leurs expériences devant le président du Haut Conseil des tribus et des villes libyennes Ageli A. Breni qui prenait part à la rencontre.

Yamina Benguigui : «La parole du peuple libyen doit être entendue»

L’ancienne ministre de la Francophonie Yamina Benguigui, présidente de l’Institut Robert Schuman pour l’Europe (IRSE), a rappelé la vision humaniste de Robert Schuman, qui n’a cessé de penser qu’il fallait gérer le présent en pensant à l’avenir et penser à l’avenir en construisant le présent, seul moyen pour éviter le délitement de l’Europe. Yamina Benguigui a  aussi rappelé Ageli Abdulslam Brenil’idéal panafricain des pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), socle de l’Union, regrettant que la voie de l’organisation continentale soit ignorée dans la crise libyenne.

Reprenant les propos du président en exercice de l’UA, Alpha Condé en substance, elle a souligné que sans la participation de l’UA, toute négociation en Libye est condamnée à l’échec. La parole du peuple libyen doit être entendue. Les deux tables rondes, l’une sur  l’UA comme acteur incontournable dans la crise libyenne ; et l’autre sur le rôle de l’UA sur la question des migrants,  ont permis aux intervenants d’apporter les éclaircissement sur le sujet suscitant la réaction de la salle.

Delphine O :  «Une solution durable passera par la construction d’un Etat de droit fort, en cela l’UA a un rôle à jouer»

Après un rappel des dates importantes qui ont marqué la Libye d’après Kadhafi, la députée Delphine O a exposé les grandes lignes de la politique étrangère du président français Emmanuel Macron, notamment le retour au multilatéralisme «pour construire la paix dans la durée», soulignant que le mini-sommet de la Celle-Saint-Cloud avec la présence des deux hommes forts de la Libye, le Maréchal Khalifa Haftar et le Premier ministre Fayad Al Sarraj, était pour le chef de l’Etat, une reconnaissance  qu’il n’ y a pas de «solution libyenne sans dialogue».

Ni l’UA, ni le président du comité de haut niveau pour la Libye n’ont été conviés à la réunion de Paris.  Pour Delphine O,  une solution durable en Libye, passera par la construction d’un Etat de droit fort, «en cela l’UA a un rôle à jouer».

Ageli Abdulslam Breni :  L’UA doit «porter» la médiation libyenne

Le président du Haut conseil des tribus et ville en Libye Ageli Abdulslam Breni a accusé l’Otan d’avoir détruit la Libye. Son pays attend des excuses de la part des pays impliqués, notamment la France dont la «Libye a toujours rêvé la qualité de la démocratie».

«Mais nous voulons construire un Etat de droit, sans revanche, une fois que cela sera fait, nous souhaitons demander des comptes aux pays responsables, connaître les raisons qui ont poussé les pays occidentaux à passer notre pays entre les mains des milices, qui répandent le terrorisme aujourd’hui en Europe», a-t-il déclaré. Pour lui, l’UA doit porter la médiation en associant la société civile, soulignant l’échec de l’Union européenne (UE). «Nous n’accepterons aucune autre médiation autre que celle de l’Union africaine», a-t-il répété.

La médiation de Denis Sassou N’Guesso voulue et saluée

Ageli Abdulslam Breni s’est félicité de l’implication du président congolais Denis Sassou N’Guesso dans le règlement pacifique de la crise libyenne, et de la réunion du comité de haut niveau pour la Libye et des échanges avec la plupart des belligérants à Brazzaville. Il n’a pas caché son impatience d’ «arriver à la grande réunion de l’UA en décembre à Addis-Abeba en Ethiopie qui réunira toutes les parties». 

En artisan de la paix en Libye, Denis Sassou N’Guesso a échangé, en marge de la 72e Assemblée générale de l’Onu à New York, avec  Emmanuel Macron, désormais convaincu de l’importance du rôle de l’UA dans le règlement pacifique de la crise libyenne. A Brazzaville, le président congolais avait exhorté les Libyens à dépasser les clivages pour donner la priorité à la Libye.

Les erreurs de l’Onu dans l’accord politique de Skhirak

La journaliste Hélène Bravin, auteur de «Kadhafi, vie et mort d’un dictateur» a souligné les erreurs de l’Onu en Libye, en nommant deux ministres, et dans l’accord politique de Skhirak géré par le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour la Libye, Martin Kobler. Toutefois,  elle s’interroge quant à la capacité de l’UA à amener les acteurs de l’accord à une table de négociation, et souligne la problématique des milices qui , selon elle «doivent en partie être amendées».

Lansana Kouyaté : «l’UA a une place essentielle et l’Onu une place d’observateur»

Pour l’ancien Premier ministre guinéen Lansana Kouyaté, l’idée de la manière dont l’UA peut dénouer la crise libyenne, et africaine en général, est suggérée dans son acte constitutif, notamment par le Conseil de paix et de sécurité. Elle a donc tous les droits d’intervenir dans une crise africaine. Son «rôle est incontournable si les Africains ne se laissent  pas controurner, si l’Afrique n’assiste pas en spectateur», a-t-il rappelé.

Par les faits passés, Lansana Kouyaté montre que la solidarité africaine permet d’espérer sur le cas libyen. Il fait allusion au sommet de Ouagadougou en juin 1998, à l’issue duquel les Etats africains ont rompu l’embargo sur la Libye, poussant l’Onu à abroger la résolution 723. «Quand l’Afrique le veut, elle le peut. Son rôle dépend d’elle. L’Afrique a la place qu’elle se définit. Elle n’a pas besoin de toquer. Elle est incontournable. Cela dépend d’elle», a-t-il ajouté. Il regrette la position de l’Onu en Libye, à la fois «juge et partie, ce qui donne à  l’UA une place essentielle et à l’Onu une place d’observateur».

L’expérience algérienne dans la marche vers la réconciliation et la paix

Grand témoin de la crise algérienne et de la réconciliation qui s’en est suivie, l’ancien ministre algérien de la Communication et de la culture Mohammed Abbou a partagé son expérience, par la restitution du vécu pour «une marche vers le chemin de la paix en Libye». Il a souligné l’important rôle joué par la Charte nationale pour la paix et la réconciliation dans la sortie de crise; la charte de la concorde civile et la réception de ceux qui avaient déposé les armes; la loi de la clémence qui a conduit à la réduction des peines. Pour lui «le terrorisme est un empêchement à la paix» et plombe l’économie, isole la Libye. Il décrie le silence assourdissant de la communauté internationale, le projet radical de l’opposition, «venu de l’extérieur».

 

Les migrations, «un jeu perdant» pour tous

La sénatrice Michèle André qui intervenait sur le volet migration, a décrit le désintéressement et la misère des migrants et des populations  sur les terrains de guerre en général et la fuite des femmes, victimes du fait guerrier avec leurs enfants, démunies, victimes de violences, de prostitution pour survivre. Elle invite à se préoccuper de ce qui se passe dans la bande du Sahel.

Le président du Forim, Thierno Camara a souligné la place et le rôle des migrations dans la gouvernance actuelle et le «jeu perdant pour les migrants, les pays d’origine, les pays d’accueil et les pays de transit». Il invite à repenser la gestion des flux migratoires et s’oppose à la nouvelle affectation d’une partie de l’aide publique au développement (APD) à la lutte contre l’immigration. Sur les 3,5% de migrants enrgistrés sur la planète, seulement 20% se situent dans les pays développés. Il appelle à «sortir de l’instrumentalisation politique des faits migratoires». Il s’offusque que tout soit mobile de nos jours (les transactions financières, les biens...) sauf l’humain» et appelle les institutions africaines à jouer leur rôle.

La question de l’éthique de la paix

Le président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, Ghaled Bencheikh a dessiné un environnement propice pour implémenter la culture de la paix, rappelant que l’Homme est un loup pour l’homme. Comment mettre en place une éthique de la paix ? Pour lui, ce qui s’est passé en Libye n’est pas étranger à la politique. Ceci passe par l’éducation, le respect de l’idéal démocratique, tout en rappelant que «le Tocqueville de l’Amérique n’est pas le Tocqueville de la Libye».

 

 

 

Noël Ndong

Légendes et crédits photo : 

Le président du Haut conseil des tribus et ville en Libye Ageli Abdulslam Breni

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