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Colonisation et développement

Samedi 2 Février 2019 - 19:57

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A l’heure où la France est vilipendée par ses voisins européens à l’instar de l’Italie et de l’Allemagne, sur sa responsabilité supposée dans la pauvreté persistante des pays africains qu’elle a colonisés,  des conversations de salons et échanges de couloirs vont bon train et s’intensifient sur la pertinence ou non du franc CFA, les réserves de  devises des pays africains au Trésor français et plus récemment sur les composantes  des accords signés avec les pays africains, axés dit-on sur un perpétuel remboursement « des frais de la colonisation africaine », il ne semble pas inintéressant de s’interroger sur la persistance, la véracité des différentes thèses en présence mais, laissons experts et autres spécialistes approfondir la question. 

 Selon l’auteur Martin Anota, « La Conférence de Berlin de 1884-1885 officialisa ce qui fut par la suite connu sous le nom de "Ruée vers l'Afrique" (Scramble for Africa). Les puissances européennes se sont arbitrairement réparties l'Afrique et ont commencé à administrer leurs nouvelles colonies. Sept décennies plus tard, elles léguèrent aux natifs africains des pays radicalement différents de ce qu’ils étaient en 1880. Et, à quelques exceptions près, ces pays sont parmi les plus pauvres au monde d'aujourd'hui ».

De nombreux économistes ont affirmé que la pauvreté relative de l’Afrique à la fin du XXe siècle résultait essentiellement de la forme prise par le colonialisme européen sur le continent, c’est-à-dire l’installation d’Européens à des fins d’extraction.

Le péché originel du colonialisme en Afrique serait, pour certains, la non introduction d’un vrai système capitaliste, fondé sur la propriété privée, qui aurait ainsi pu créer des incitations à la concurrence et à l’accumulation nécessaires pour stimuler une croissance économique autonome.

Les perspectives d’appréciation positives de la colonisation e Afrique sont rares, pour ne pas dire quasi inexistantes, même si l’on peut évoquer la fin des guerres intra-africaines, l’abolition de la traite des esclaves et de l’esclavage intérieur, l’introduction des transports mécanisés et des investissements d’infrastructures,  le développement d’une industrie moderne dans ces économies.

Certaines réflexions arrivent à cette conclusion, partant de l’observation bien connue selon laquelle les gouvernants en Afrique ont eu du mal à puiser des revenus importants dans les sources intérieures. Bayart affirme que, pendant la période coloniale et depuis lors, les élites africaines ont été les clientes des Etats coloniaux ou métropolitains. Elles ont ainsi forgé des relations qui, bien qu’inégales, leur ont profité comme elles ont profité aux étrangers.

Il apparaît alors évident dans ce cas, dans  l’ensemble des colonies, que le colonialisme ait retardé le développement. Il ne paraît pas seulement avoir bloqué le développement politique mais la délégation d’autorité a rendu les élites locales moins responsables face à leurs citoyens.

Après les indépendances, même si certains pays ont pu disposer d’une cohérence dont les autres manquaient, ils eurent aussi plus de dirigeants prédateurs, des régimes politiques ont également souffert du racisme, des stéréotypes et des fausses idées héritées du colonialisme, que les Africains n’auraient pas eues, en son absence, et qui ont généré depuis d’immenses problèmes tels qu’au Burundi, au Rwanda ou en Afrique australe.

Le pillage de l’Afrique, pendant la colonisation, a clairement pesé sur le développement de ses pays. Après les indépendances, plusieurs institutions ont été créées, telles la Francophonie et la zone franc, pour maintenir des rapports privilégiés entre la France et ses anciennes colonies. Si ces accords unissent des Etats indépendants, on ne peut passer sous silence les rumeurs sur les nébuleuses où se prendraient les décisions importantes et qui maintiendraient les rapports coloniaux, comme le fameux réseau Foccart ou la Françafrique.

Cependant, les Africains peuvent-ils être crédibles, après soixante ans d’indépendance, en rendant les anciennes puissances coloniales responsables de leur sous-développement ? L’argument tiendrait difficilement aujourd’hui, avec la nouvelle classe politique et intellectuelle qui émerge, en Afrique comme en France, et qui n’est pas attachée au passé colonial commun. C’est le moment idéal pour sortir de cette relation fusionnelle et dépoussiérer tous les éventuels accords en tenant compte des intérêts des uns et des autres. Enfin, la géopolitique du monde évolue. Si la France a privilégié la construction européenne après la chute du mur de Berlin en 1989, la montée en puissance des pays émergents, la Chine en tête, a multiplié les possibilités de partenariats des pays africains.

 

 

 

 

 

Ferréol Gassackys

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Édition Quotidienne (DB)

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