Commémoration : Jean-Baptiste Tati Loutard célébré avec faste

Lundi 8 Juillet 2019 - 19:45

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Alphonse Nkala, directeur départemental du Livre et de la lecture publique est revenu, le 8 juillet, au cours d’un entretien avec Les Dépêches de Brazzaville, sur les temps forts de la matinée littéraire organisée,  à Pointe-Noire, à l’occasion du 10e anniversaire de la disparition de l’illustre écrivain et poète congolais.

L’événement axé sur le thème « Jean-Baptiste Tati Loutard 10 ans  après, quel héritage pour la littérature congolaise ? » a été une occasion de célébrer l’écrivain et son importante œuvre à travers plusieurs activitésLa matinée littéraire initiée par la direction départementale du Livre et de la lecture publique de Pointe-Noire, en partenariat avec le Conseil départemental et municipal, a eu lieu le 4 juillet, au Centre culturel Jean-Baptiste-Tati-Loutard. Elle a connu plusieurs temps forts : dépôt de la gerbe de fleurs sur la tombe de l’écrivain (mort le 4 juillet 2009 en France) au cimetière familiale de Ngoyo, son village natal devenu le 6e arrondissement de Pointe-Noire; communications sur l’écrivain et son œuvre; déclamation des extraits de ses textes; chants et témoignages sur lui. L’activité s’est déroulée en présence de Martial Odzebé, premier secrétaire du bureau du conseil départemental et municipal.

Écrivain, critique d’art et professeur à la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Marien-Ngouabi, Jean-Baptiste Tati Loutard a cumulé vie littéraire et vie politique. Considéré comme le Rimbaud noir et l’un des plus grands écrivains francophones, il a porté haut les couleurs du Congo à travers sa production littéraire abondante. Un héritage qu’il faut sauvegarder, promouvoir et vulgariser. C’est, d’ailleurs, cela l’objectif de la matinée poétique : faire que le nom et l’œuvre de Jean-Baptiste Tati Loutard ne disparaissent pas, que le poète continue de vivre à travers ses œuvres car, comme il le disait lui-même, «l’écrivain ne meurt que lorsque ses œuvres tombent dans l’oubli».

Jean-Baptiste Tati Loutard, poète solaire, poète visionnaire

Pour célébrer le grand poète, certaines de ses œuvres ont été scrutées par d’éminents orateurs, des écrivains et poètes congolais, à savoir  Georges Sokate Mavouba et Frédéric Pambou de Pointe-Noire, Florent Sogny Zahou et Huppert Malanda de Brazzaville, qui ont su faire voyager l’auditoire dans son univers où la mer, qui révèle ses origines côtières, occupe une grande place ainsi que la femme (il a été l’unique garçon de la famille avec quatre sœurs). Quatre sous-thèmes ont été développées à cette occasion, notamment  "La légende de la nuit dans les racines congolaises" ; "Jean-Baptiste Tati Loutard : un héritage de poésie francophone" ; "Jean-Baptise Tati Loutard : 10 ans après, le poète bien connu, bien méconnu" ; "Jean-Baptiste Tati Loutard, précurseur de la route de l’esclavage de Loango dans Les poèmes de la mer".

Il en est ressorti que l’écrivain à la renommée internationale, dont l’œuvre  "Nouvelles chroniques congolaises" figure actuellement au programme scolaire du Congo, s’est distingué, entre autres,  par son écriture, sa fibre nationaliste et patriotique, sa quête identitaire, sa façon de manier les mots dont il connaissait le poids et le sens et utilisait avec précaution, d’après les témoignages de Marcel Poati, ancien conseiller socio-culturel de la mairie de Pointe-Noire, et Georges Sokate Mavouba qu’il a enseigné au Centre d’études supérieures de Brazzaville. «La parole était d’or chez lui, d’où son débit lent», a confié Marcel Poati.

Pour Frédéric Pambou, Jean-Baptiste Tati Loutard, poète solaire, poète visionnaire, est le précurseur de la route de l’esclavage, avec le port d’embarquement d’esclaves de Loango. Une tragédie qu’il mettait déjà en lumière dans sa première œuvre "Les poèmes de la mer", parue en 1968 aux éditions CLE de Yaoundé, alors que le projet de l’Unesco y relatif ne date que de 1994. Evoquant l’œuvre de l’écrivain construit en trois décennies, de 1968 à 2007, Huppert Malanda, qui considère le Congo comme «la terre des mille poètes », a cité Sedar Senghor qui déclara le jour où il découvrit Jean-Baptiste Tati Loutard à travers une de ses œuvres : «La plus grande grandeur du Congo est dans la grandeur de ses poètes».

Rendons à Jean-Baptiste Tati Loutard ce qui est à lui

Jean-Baptiste Tati Loutard est bien connu pour avoir légué à la postérité une œuvre abondante considérée par Florent Sogny Zahou comme « une mine d’or inépuisable». Mais l’écrivain est aussi bien méconnu car peu de Congolais, surtout les jeunes, disposent des informations sur lui et son œuvre. Les orateurs ont déploré le fait que le mérite des écrivains congolais est plus reconnu ailleurs que chez eux. «Si nous ne faisons rien, nous ferons de Tati Loutard une personne méconnue. L’écrivain a besoin d’être réinstallé dans la mémoire collective. Rendons à Jean- Baptiste Tati Loutard ce qui est à Jean-Baptiste Tati Loutard», a estimé Florent Sogny Zahou. Et pour honorer la mémoire de l’écrivain, quelques initiatives sont prises telles le lancement bientôt du prix Jean-Baptiste-Tati-Loutard par  la délégation de la Société des poètes français pour l'Afrique centrale, la construction d’une allée Jean-Baptiste-Tati- Loutard à Loango et l’érection d’une pierre monolithique incrustée de ses poèmes à Tchiamba Nzassi.

Tenant compte du niveau très élevé des communications et au regard de la qualité des orateurs, Bongo Bouiti, président de l’Association Pointe-Noire dynamique culturelle, organisation chargée de la gestion du Centre culturel Jean-Baptiste-Tati-Loutard, a estimé que la matinée littéraire est le plus grand événement organisé pour l’écrivain depuis sa disparition. Les communications sur lui ont été soutenues par des déclamations des extraits de ses textes par les comédiens JefhBiyeri, Claver Mabiala et Germaine Ololo, des chants avec Christian Ouissika ainsi que des animations musicales avec le groupe tradi-moderne Tchi Fumb. 

Né le 15 décembre 1938 à Ngoyo et détenteur d’une licence de lettres modernes obtenue en 1963 à Bordeaux (France) et une autre d'italien (en 1964), Jean-Baptiste Tati Loutard a été ministre de l’Enseignement supérieur, ministre de la Culture, des arts et du tourisme et ministre des Hydrocarbures de 1997 jusqu’à sa mort. Il a laissé onze recueils de poèmes, dont "Les Racines congolaises" et "Le Dialogue des Plateaux", et autres écrits (Anthologie, nouvelles …).

L’écrivain a reçu plusieurs distinctions (Grand prix littéraire d'Afrique noire en 1987, Prix Tchicaya-U-Tam'Si, pour l'ensemble de son œuvre poétique en 1999, médaille d'officier des Arts et lettres de la République française, membre de l'Académie mondiale de poésie, membre du Haut-Conseil de la Francophonie et autres. «Après lecture de cette œuvre combien importante et des distinctions qu’il a reçues, nous pouvons dire que Jean-Baptiste Tati Loutard est l’un des leaders du mouvement culturel congolais, l’une des voix majeures de l’Afrique francophone», a conclu Alphonse Nkala.

Lucie Prisca Condhet N’Zinga

Légendes et crédits photo : 

1-Jean-Baptiste Tati Loutard / Adiac 2-Une vue de la salle lors de la matinée poétique/ Adiac 3-Les participants à la matinée poétique/ Adiac

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