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Comment tirer le meilleur parti du Sommet de Washington ?

Lundi 11 Août 2014 - 20:37

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La page du premier Sommet Afrique / États-Unis s’étant refermée, que peuvent en attendre les Africains ? A priori pas grand-chose dans l’immédiat car la politique d’une grande puissance ne change pas du matin au soir même si ses plus hauts dirigeants s’y engagent solennellement. Mais certainement beaucoup à moyen terme, si du moins les pays du continent savent faire entendre leur voix de façon forte et continue dans les différents lieux où s’élaborent les grandes décisions, à savoir la Maison Blanche, le Congrès, le Pentagone, le Département d’État, le Trésor, la Central intelligence agency.

Le problème auquel se trouve aujourd’hui confrontée l’Afrique est donc bien celui de sa présence active dans les lieux de pouvoir aux États-Unis même et également dans les institutions de la gouvernance internationale telles que les Nations unies, le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale qui restent peu ou prou dominées par les États-Unis. Mettre en place un système d’information fiable et de lobbying actif à Washington qui projette du continent une image vraie, concrète, objective devrait donc figurer désormais au premier rang des priorités africaines.

Cette tâche apparemment aisée sera en réalité difficile à accomplir dans la mesure où l’Union Africaine ne brille guère par son efficacité, ni même par son unité. Machine pesante et, quoi que l’on dise, divisée sur les questions essentielles, l’organisation qui siège à Addis Abeba n’est pas structurée aujourd’hui de telle façon que les Américains la perçoivent comme un interlocuteur valable.  Il en résulte naturellement que le dialogue engagé lors du Sommet de Washington pourrait fort bien ne déboucher sur aucun acte concret dans un délai raisonnable.

Est-il absurde, dans ces conditions, d’imaginer que ce même dialogue s’engage simultanément entre les États-Unis et les différentes entités qui rassemblent les pays d’une même région – abandonnons à cette occasion le terme de « sous-région » qui minimise l’importance humaine des entités en cours de constitution dans les différentes parties du continent  – ? Est-il irréaliste de penser que la coopération proposée par la plus haute autorité américaine s’organise dans le cadre de communautés structurées telles que la Cédéao en Afrique de l’Ouest, la Cémac et la Cééac en Afrique centrale, la Cepgl dans les Grands lacs, la Sadec en Afrique australe ?

Les Américains, qui sont des gens pragmatiques, auraient alors en face d’eux des interlocuteurs aux pouvoirs clairement définis parlant au nom de communautés humaines clairement identifiées. Il leur serait alors difficile de ne pas donner un contenu concret aux promesses faites par leur président,  Barack Obama, lors du sommet qui vient de s’achever. Et, de ce fait, la doctrine énoncée à Washington deviendrait vite réalité.

Plus que jamais l’intégration régionale, qui sera dans le proche avenir le véritable moteur de l’émergence de l’Afrique, devrait être le cadre dans lequel s’élaborent et se concrétisent les programmes de coopération entre le continent et les grandes puissances. Trop petites ou trop faibles pour dialoguer d’égal à égal avec les poids lourds que sont la Chine, l’Europe, les États-Unis ou l’Inde, les nations africaines seraient entendues et prises en considération dès lors qu’elles décideraient de parler d’une seule et même voix dans un cadre régional.

Voyons si les leçons que les sommets successifs de Paris, de Bruxelles et de Washington seront entendues et comprises ?

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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