Compétitions nationales de football : les photographes reporters traités de féticheurs

Jeudi 24 Juillet 2014 - 17:19

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À coups d'agressions verbales et de jets de pierre notamment, les photographes reporters sont indexés pour leur appartenance supposée à telle ou telle équipe. Autant de comportements qui attestent que le public du stade Alphonse-Massamba-Débat voit le diable partout dans les derbys du championnat national et de la Coupe du Congo

L’attitude violente interdisant aux photographes reporters de faire leur métier selon les règles de l’art est devenue monnaie courante au stade Alphonse-Massamba-Débat. L’on peut également se demander si cette pratique ne risque pas de tirer le football congolais vers le bas. Sinon comment comprendre qu’une équipe qui aspire au haut niveau puisse tomber dans une telle facilité d’attribuer sa défaite de la formation à la présence des photographes derrière les poteaux alors que ceux-ci ne font que leur devoir de photographier les actions les plus offensives d’une équipe de leur choix. Malheureusement, ces photographes sont accusés de tenir des fétiches pour faire basculer le match. Cette affirmation non fondée est en train de se faire une place dans l’esprit des dirigeants.  

Le 22 juillet lors de demi-finales aller de la Coupe du Congo, les photographes reporters qui n’ont pourtant pas été dérangés lors du match Étoile du Congo-Cara, sont interpellés par le commissaire du match Diables noirs-Léopards de Dolisie avant le coup d’envoi de celui-ci. À la surprise générale, l’interdiction formelle de se placer derrière les poteaux s'impose à ces photographes. Le commissaire indique d’ailleurs que ce sont les consignes données par des équipes engagées.

Se placer derrière les poteaux : une obligation lors des compétitions internationales

Lors des compétitions internationales cette interdiction n’existe pas. Si on ne fait pas l’effort de jouer les matchs du championnat comme ceux de la coupe d’Afrique, comment peut-on représenter quelque temps après son pays dans une compétition sans que les photographes aient une place derrière les buts. C’est d’ailleurs une obligation. À titre d’illustration tous les photographes maliens étaient derrière les poteaux des Léopards de Dolisie à Bamako. Cela n’a pas suffi pour éviter la défaite de leur équipe lors de la troisième journée des matchs de poules de la Coupe africaine de la confédération de cette année. À Dolisie, tous les photographes congolais étaient derrière les buts d’Al Ahly d’Égypte mais au finish, les Égyptiens l’ont emporté 1-0 face à l’AC Léopards lors de la troisième journée de la Ligue africaine des champions en 2013. En 2010 malgré la présence massive des photographes congolais derrière les poteaux ghanéens, les Black stars avaient pris le meilleur sur les Diables rouges 3-0 lors des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations.

Et pourtant les photographes reporters du Congo n’ont pas inventé la roue. Ignorant le règlement, ils s’asseyaient même à l’espace réservé pour les brancardiers. Au début de la saison passée, la Fédération congolaise de football avait mis de l’ordre au stade en leur demandant de se placer désormais derrière les poteaux chacun selon son choix.  Pour éviter de se faire agresser, ils ont unilatéralement décidé de choisir un camp pour filmer les actions offensives des deux concurrents. Malgré cette volonté de jouer à l’équilibre, ils ne sont pas à l’abri des menaces verbales. À titre de rappel, Patronage Sainte-Anne joue contre Diables noirs. Les photographes commencent le match derrière les poteaux des Diables noirs qui tournaient le dos vers les tribunes réservées aux supporters de l’Étoile du Congo. À la mi-temps, Patronage Sainte-Anne est mené un à zéro. À la reprise, les photographes n’ont pas changé de camp pour prendre aussi les actions des Diables noirs. Cette équipe égalise et marque le deuxième but. Le gardien se retourne vers les photographes et leur dit : « Vous n’avez choisi que mes défenseurs pour les prendre en photo », disait-il. Quand le match tourne à leur avantage, ces équipes sont les premières à contester la publication dans un journal si l'article est publié sans photo. Certaines d'entres elles vont même plus loin en disant que ce reporter est contre elles.

Pour trouver avec quoi illustrer l'article, le photographe a souvent été pris pour cible. L'un de nos reporters a été agressé au stade Marchand par une équipe de deuxième division pour les mêmes raisons. Il a, par ailleurs, été menacé par un dirigeant parce qu'il avait fait les photos des séances de tirs au but des seizièmes-de-finale de la coupe du Congo de Diables noirs à l’Académie des Diata, il y a près de deux ans. Face à cette situation, les photographes reporters se demandent aujourd'hui quelle attitude tenir et quelle est la place qui leur est reservée par la Fécofoot lors des derbys.

 

 

 

James Golden Eloué