COP 21 : Jean-Louis Borloo : " L’Afrique dispose du plus grand potentiel d’énergies renouvelables au monde "

Mercredi 25 Novembre 2015 - 14:00

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Jean Louis Borloo, ancien ministre et président de la fondation Energies Afrique, présente aux Dépêches de Brazzaville son projet pour l'électrification du continent.

Quelle lecture faites-vous de l’organisation de la COP21 en France ? pensez-vous que les objectifs vont être atteints? 

Le président de la République, le gouvernement et notamment le ministre des Affaires étrangères et le réseau diplomatique français sont très engagés depuis maintenant un an pour tenter de trouver un véritable accord. Celui-ci a deux volets :

Le premier volet est un engagement clair et contraignant des pays principaux émetteurs de CO2 pour réduire dès maintenant et sur une perspective de long terme, leurs émissions.

Le deuxième volet concerne les conséquences déjà constatées du dérèglement climatique sur un certain nombre de pays du monde et notamment sur le continent africain. Si le premier volet est le plus délicat à atteindre, le deuxième c’est-à-dire le financement par les pays émetteurs de CO2 d’un plan d’adaptation notamment d’accès aux énergies renouvelables sur le continent africain avec les financements adéquats, est à portée de succès et sera le critère d’évaluation de la réussite ou de l’échec de la COP21.

Comment avance le projet Energies pour l’Afrique dont vous êtes l’initiateur? Quelles sont les grandes actions déjà menées ?

Le projet Energies pour l’Afrique a pour vocation de faire un plaidoyer consistant à permettre à l’Afrique subsaharienne de passer de 25% à 100% d’accès à l’énergie en dix ans notamment grâce aux énergies renouvelables. La situation du continent africain doit bénéficier de la solidarité internationale qui doit mobiliser les subventions internationales pour venir en soutien de tous les projets sur le continent. En effet, tout le monde constate que les chefs d’Etat et de gouvernement africains sont déterminés à mettre l’énergie en priorité absolue, car c’est elle qui dicte l’accès à l’eau, à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à l’agriculture, à la sécurité et au bien-être des populations. Du fait du choc démographique que connait l’Afrique depuis 50 ans, les subventions internationales sont indispensables pour y parvenir.

Vous souhaitez atteindre l’objectif du projet en 10 ans. N’est-ce pas trop ambitieux, compte tenu du fait que chaque pays du continent a ses spécificités ?

La situation actuelle est connue : le développement démographique va plus vite que l’accélération de l’accès à l’énergie malgré les efforts constants et déterminés des chefs d’Etat et de gouvernement africains ainsi que des initiatives internationales. Les projets d’électrification existent sur tout le continent africain et sont de tailles différentes : énergie centralisée ou décentralisée urbaine et rurale, et recouvrent toutes les énergies renouvelables (hydroélectricité, solaire, géothermie, éolien, biomasse), selon les spécificités de chaque pays. Il manque pour tous ces projets des subventions de l’ordre de 15 à 20% afin de les rendre soutenables financièrement. Si ce problème est globalement résolu alors un grand mouvement d’électrification se fera sur tout le continent, des zones rurales aux zones urbaines.

Quelle est l’importance de la création d’une agence pour l’électrification de l’Afrique. Quelle sera la spécificité d’une telle structure ?

Afin d’avoir un plan massif au service de tous les Etats africains, un instrument dédié dit « Agence pour l’électrification de l’Afrique » est nécessaire pour regrouper toutes les subventions internationales en un véritable outil de financement à disposition des Etats africains. Cette Agence ne sera pas une tutelle, ce n’est pas elle qui pilotera ou programmera les projets ; elle vient simplement en soutien  des projets pilotés par les Etats africains et les porteurs de projets.

Comment le projet « Energies pour l’Afrique » est-il accueilli par les chefs d’Etat africains que vous avez rencontrés ?

Ce sont les chefs d’Etat africains qui ont souhaité que nous fassions ensemble le diagnostic pour faire les propositions à la communauté internationale. C’est en août 2014 que le président Sassou N’Guesso a le premier pris l’initiative de cette réflexion. L’accès à l’énergie et à la lumière pour tous est chez lui une véritable obsession. J’ai ensuite rencontré d’autres dirigeants notamment les présidents Jacob Zuma d’Afrique du Sud, Alpha Condé de Guinée Conakry puis Macky Sall du Sénégal, Alassane Ouattara de Côté d’Ivoire ou encore Haile Mariam Dessalegn Premier ministre éthiopien. Ce n’est donc pas mon initiative mais celle des chefs d’Etat africains afin de faire une proposition acceptable pour les pays développés, concrète et qui puisse démarrer dès 2016. Ce projet africain doit également bénéficier à la quinzaine d’autres pays qui sont en grand retard dans l’accès à l’électrification, comme Haïti, le Népal, la Birmanie, le Bangladesh… Cela devient un problème de solidarité internationale, le droit à l’énergie et à la lumière pour tous doit devenir un droit universel. L’engagement du président Sassou N'Guesso a permis une véritable impulsion et une délibération unanime des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine à Johannesburg le 15 juin dernier sur proposition du président du NEPAD, ainsi que du Parlement Panafricain le 7 octobre.

Vous avez récemment déclaré que « la croissance africaine par l'électricité de l'Afrique, c'est notre croissance en Europe ». De quelle manière ?

Non seulement il est juste et légitime que l’Afrique qui n’émet pas ou peu de CO2, qui est un véritable puits de carbone de l’humanité notamment grâce à ses forêts et qui est déjà victime du dérèglement climatique, bénéficie de la solidarité internationale notamment par les pays émetteurs de CO2. De surcroît, une Afrique totalement électrifiée connaitrait une vraie croissance, constante de plus de 10% pendant 20 ans et serait évidemment un relais de croissance pour l’économie mondiale et notamment pour l’économie européenne.

J'ajoute que le continent dispose du plus grand potentiel d’énergies renouvelables au monde et ce dans toutes les formes de ces énergies. Passer de 25 à 100% se fera évidement par les énergies renouvelables.

 

 

 

Propos recueillis par Florence Gabais

Légendes et crédits photo : 

Jean-Louis Borloo, ici au stand Livres et Auteurs du Bassin du Congo, affiche ses ambitions pour son plan d'électrification du continent africain (crédits photo adiac)

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