Côte d’Ivoire : l’ex-première dame Simone Gbagbo devant la justice

Samedi 27 Décembre 2014 - 14:09

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Le procès de l’ex-première dame ivoirienne, commencé le vendredi 26 décembre,  se poursuivra le lundi 29 décembre, pour aborder le fond du dossier.  Simone Gbagbo est inculpée par la justice ivoirienne, avec 82 dignitaires de l’ancien régime de son mari Laurent Gbagbo, pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », notamment pour son rôle dans la crise post-électorale meurtrière de 2010-2011, qui avait fait au moins 3 000 morts.

Outre les crimes d’atteinte à la sûreté de l’Etat, Simone Gbagbo et plusieurs autres personnes sont accusées d’autres chefs d’inculpation par la justice ivoirienne et devront faire l’objet de procès ultérieur. Ceci, pour crimes de sang, crimes économiques et génocide. L’épouse de Laurent Gbagbo, il faut le rappeler, était considérée comme un pilier inébranlable du régime de son mari sur lequel elle exerçait une forte influence.

Parmi les accusés figurent plusieurs personnalités importantes du régime de Laurent Gbagbo, comme son ancien premier ministre Ake N’gbo ou encore le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi Nguessan. « Tous les accusés sont poursuivis  pour atteinte à la défense nationale, constitution de bandes armées, participation à un mouvement insurrectionnel, troubles à l’ordre public, coalition de fonctionnaires de rébellion, tribalisme et xénophobie », a relevé l’avocat général Me Yabo Odi.

Le procès de Madame Gbagbo est le premier grand défi judiciaire de la Côte d’Ivoire post-crise qui refuse de la transférer à La Haye où la Cour pénale internationale (CPI) la réclame pour la juger pour « crimes contre l’humanité ». L’audience de vendredi visait, pour les autorités ivoiriennes, à prouver qu’elles sont capables d’organiser un procès d’une si grande ampleur.

En attendant l’issue que prendrait ce procès, les avocats de la défense dénoncent déjà une procédure irrégulière liée à la validité de la nomination des jurés dont quatre ont été remplacés le même jour. La défense affirme donc ne pas avoir eu la possibilité de les récuser. L’avocat principal de Simone Gbagbo, Rodrigue Dadje, par exemple a indiqué que le début du procès était entaché d’irrégularités. « Le tirage au sort des jurés s’est fait de façon illégale (…), a-t-il assuré. Le procès commence de façon inéquitable, et cela m’inquiète pour la suite des événements. Le dossier des assises est vide. Même la CPI a confirmé notre position ! Dans ce dossier il n’y a que la copie des effractions du code pénal. A aucun moment, comme c’est fait en matière pénale, il n’est attribué des faits personnels posés par chacun des accusés. Aujourd’hui, on ne sait pas quel acte matériel a été posé par les accusés qui ont justifié leur présence devant la Cour d’assises. » Un autre avocat de la défense a dénoncé un « procès précipité pour obtenir un premier décaissement de cinq millions d’euros promis par Union européenne dans un programme de réhabilitation de la justice ivoirienne ».

Les ONG de défense des droits de l’homme sont tout aussi montées au créneau pour dénoncer « une justice uniquement tournée vers les partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo ». La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) estime, en ce qui la concerne, que les charges d’atteinte à la sûreté de l’Etat sont « politiques » pour la simple raison que celles-ci comprennent la rébellion, la participation à un groupe armé, ou encore la xénophobie.

Des observateurs estiment que les promesses répétées de l’actuel président ivoirien, Alassane Ouattara d’une justice impartiale ont de la peine à convaincre puisqu’environ 150 proches de son ancien rival sont inculpés pour des crimes commis pendant les violences post-électorales, alors deux seulement de son camp se trouvent dans cette situation.

Michel, le fils de Laurent Gbagbo, qui fait également partie des accusés, espère que ce procès pourra conduire les Ivoiriens au dialogue politique : Il y a tout un ensemble de questions politiques tournant autour de la question du procès qui se posent, et je fais confiance aux hommes politiques de ce pays. Je me dis qu’à un moment donné il va falloir qu’ils se rencontrent pour régler tout leur différend. En attendant, c’est sans anxiété aucune que nous allons au procès parce que si cela peut participer au processus de réconciliation, tant mieux. », a-t-il déclaré.

Rappelons que la crise post-électorale meurtrière qui avait fait de 2010-2011 au moins 3000 morts résultait d’un bras-de-fer entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, qui revendiquaient tous deux leur victoire à la présidentielle. Au terme de cinq mois de violences nées du refus du président sortant de reconnaître sa défaite, le couple a été arrêté le 11 avril 2011. Mais contrairement à l’ancien président ivoirien, incarcéré depuis trois ans à La Haye, Abidjan refuse de transférer l’ex-première dame ivoirienne à la CPI.

 

 

 

 

Nestor N'Gampoula