Couleurs de chez nous : censure

Samedi 21 Avril 2018 - 19:22

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S’il est une pratique que les journalistiques récusent et condamnent, c’est bien la censure. S’il est aussi un combat qu’ils mènent, c’est bien contre la censure. Lutter contre la censure, c’est militer pour la liberté, la libre expression des opinions. Au Congo, la levée de la censure a été un des acquis de la Conférence nationale souveraine de 1991.

Depuis cette année, les journalistes essayent tant bien que mal de naviguer entre la liberté qui leur est accordée et l’autocensure. Celle-ci est une précaution déontologique qu’ils prennent afin de s’assurer que leurs propos et écrits respectent le droit de chacun et qu’une fois rendus publics, ils ne feront l’objet ni de poursuite devant les instances compétentes ni de droit de réponse ou de mise au point. 

Or, si les professionnels des médias et de la presse ont cette qualité, il n’en est rien chez les autres Congolais qui font désormais dans la démesure. Les nouveaux médias que sont les instruments de communication ultramodernes permettent ce constat. Les Congolais publient tout sauf rien : textes administratifs, dossiers privés, intérieur de maison, plats servis à table, literie, garde-robe, boissons, cartes bancaires, billets de banque, parties intimes du corps, ébats, débats, dossiers médicaux, etc. Certains vont jusqu’à filmer des cadavres au moment de l’ultime toilette.

Au nombre des arguments pour soutenir cette culture en chute libre : le devoir d’informer et l’exigence de communication. Soit ! Mais ceux qui le prônent ne mesurent pas les conséquences de cette exposition publique. Il faut plutôt classer cette attitude au rang de l’ignorance. Car ceux qui connaissent la loi savent qu’il y a des lignes à ne pas dépasser comme ces médecins, quoique jeunes, qui filment des opérations chirurgicales ou obstétricales pour les balancer dans les réseaux sociaux. C’est ainsi que même dans les bus, on voit des gens qui, incapables d’autocensurer, s’expliquer au téléphone sur des sujets privés, sensibles et voire d’État.  

Or, les mêmes Congolais sont souvent frileux chaque fois qu’une caméra est braquée sur eux. C’est dire combien ils sont tentés par la discrétion. Le choix des « VIP » comme espaces de détente traduit leur soif du secret et celle de se mettre à l’abri des yeux inquisiteurs. En d’autres termes : une forme de censure pour ne pas laisser libre cours à la liberté.

En effet, cette nouvelle culture, développée chez nous via les réseaux sociaux, pose le problème de la responsabilité. Quand on regarde bien, on sent une transposition de nos défauts d’antan et originels. La délation (appelée chez nous le songi-songi), l’exhibitionnisme et le snobisme (le matalana) se sont exportés désormais sur la toile. Tant mieux pour les exhibitionnistes mais quid des victimes innocentes ? Ciblés par des adversaires anonymes, ils se découvrent un matin, impuissants, au centre des échanges entre internautes.

Quand l’autopromotion se confond à l’exhibition et lorsque des candides s’en mêlent, la crainte est grande de voir la société basculer. Pour preuve : la chanson congolaise d’aujourd’hui participe à souhait au délitement de notre société. Sachons nous censurer !

Van Francis Ntaloubi

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