Couleurs de chez nous : « Esprits envoûtés » ?

Vendredi 1 Février 2019 - 12:24

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« Chasser le naturel, il reviendra au galop », dit un adage. « L’habitude est une seconde nature », dit un autre. En fonction de son éducation et de ses expériences, chaque individu développe un mode de vie diversement apprécié même au sein de sa communauté. Parce que la vie est faite de repères, il est des actes admissibles et ceux qui ne répondent pas aux normes définies par la société.

Voilà qu’au Congo, certaines déviances sont considérées non comme délibérées de la part de leurs auteurs mais comme dictées par un esprit mystique, une force maléfique. Un démon pour tout dire. Des parents dont l’enfant cumule des délits ou autres actes répréhensibles n’ont pas d’autres arguments que de faire porter le chapeau au démon. Interpellés par la police pour une compromission qui engage leur progéniture, des parents n’hésitent pas à étaler leur étonnement.

Une jeune femme frappée par le chômage, le célibat et cumulant des échecs sentimentaux a vite fait d’indexer un esprit maléfique qui brouillerait son étoile. Même argument pour un fonctionnaire ou un ouvrier, passionné de l’alcool, qui ne peut garder longtemps son argent. Argument des siens : « il est envoûté ». Aussi assiste-t-on souvent à cette commisération complice qu’affichent des femmes devant les actes extra-conjugaux de leurs époux, les passant pour des « envoûtés » à délivrer.

L’envoûtement devient l’argument tout trouvé des Congolais pour justifier des forfaits et inconduites. Un refus d’assumer les actes. Un déni de culpabilité chaque fois que l’on est interpellé par la famille ou la société. Sauf que cette attitude, toujours justifiée et pardonnée, se répand si bien qu’à la fin personne n’est responsable de rien.

Et quand ils acceptent de se faire réintégrer au sien des siens, peut-être aussi pour conjurer le sort, ces individus trouvent refuge dans les églises. Avec force, on leur démontre leur innocence devant tous les actes par eux commis, parfois même des crimes. Tout cela serait l’œuvre de Satan.  C’est ce dernier qui pousse à la débauche, à la dépense, au goût du lucre et du luxe, aux excentricités, bref, à la commission permanente des fautes.

À l’analyse, ces comportements n’ont rien de sorcier. Ils se justifient par trop de libéralités que se donnent les Congolais. Des libéralités doublées de tolérance et de naïveté chez ceux qui observent les auteurs de ces déviances. En clair : que peut un individu sans emploi et, partant, sans argent devant un océan de désespoir ? Quel ne serait pas le comportement d’une femme sans argent, sans époux et sans activité rémunératrice ?

On déduit aisément qu’à la base de ces déviances attribuées au démon, il y a le désespoir, l’oisiveté et la soif d’exister. Familiers du raccourci, les Congolais font, hélas !, dans le blanchiment. S’il faut rendre à « César ce qui est à César », attribuons aussi à Satan ou au sorcier les actes qui lui reviennent. Mais sans pour cela renier nos absurdités en les déléguant à une force obscure et envoûtante qui se serait saisie de nos destins. Assumons-nous  parfois !

 

 

 

Van Francis Ntaloubi

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