Couleurs de chez nous : Rupture !

Lundi 27 Mars 2017 - 0:12

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Si l’on organisait un concours, au Congo, sur le mot le plus populaire, donc le plus utilisé ces derniers mois, « rupture » l’emporterait à plus de 80%. Voire au-delà.

Voici un mot qui figure depuis longtemps dans le dictionnaire français avec un sens bien connu des Congolais qui avaient l’habitude de l’utiliser. Surtout dans le domaine de l’amour. Qui n’a jamais dit « J’ai rompu avec mon Jules » ou « Nous avons rompu depuis trois mois »  ? En d’autres termes, le mot « rupture » ne devrait plus faire l’objet d’interprétations abusives et déplacées.

Ce mot a gagné les conversations depuis qu’il a été lâché par le président de la République du Congo lors de son investiture au lendemain du scrutin du 20 mars 2016. Prenant la mesure de la gestion du pays, et soucieux de le voir aller vers des horizons meilleurs, Denis Sassou N’Guesso avait proclamé « la rupture avec les antivaleurs ». Il les a cités devant un auditoire enthousiaste, ce 16 avril 2016 au Palais des congrès de Brazzaville, et en direct à la Télévision nationale.

Seulement, « ce discours sur la rupture » tombait dans un contexte de crise économique imposée par la chute du prix du baril de pétrole, première ressource du Congo. La fin de 2016 voyant les recettes de l’Etat s’amenuiser, 2017 obligeait à se serrer la ceinture au regard des mesures qu’annonçait le gouvernement. La crise est là avec ses signes.

Créatifs, inventifs, les Congolais ont vite trouvé : « rupture égale crise ». Depuis, chacun y va de son refrain. Tel mari qui veut déboussoler son épouse lui lance « on est dans la rupture ma chérie. Je n’y peux rien ». Tel ami manque à un rendez-vous chante « la rupture » aux siens. Un usage qui a fait penser à ceux qui n’ont pas lu Molière ou Voltaire, Senghor, Sony Labou ou Henri Lopes (tous défenseurs de la langue française) que rupture est synonyme de crise.

Nombreux sont même tombés dans le piège alors que certains continuent de croire dur comme fer que les deux mots ont un même sens. Un petit sondage auprès de quelques Congolais a permis de mesurer leur naïveté.    

Au-delà de l’ignorance du mot, il y a chez ce peuple un goût pour la mode. Rappelons-nous avec quel entrain les Congolais retournent les concepts ou les slogans politiques pour en faire même des thèmes de chansons. Pour nous arrêter à « rupture », ce mot a donné lieu à un titre qui culmine aujourd’hui au hit-parade de la chanson africaine sur une chaîne de télévision très prisée par la jeunesse.

Symboles et sigles des partis (les trois palmiers de l’Upads), intitulés des programmes politiques (Nouvelle espérance qui devenait nouvelle expérience), concepts économiques (à la fin des années 1980, Pareso devenait Pajero, donc une marque de voiture), Nkosa qui rappelle la barge de pétrole sur le large ou éléphant en tant que logo d’un candidat, tout inspire ces Congolais qui sont toujours prêts à donner de nouvelles couleurs à leur vie.

 

 

 

Van Francis Ntaloubi

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