Couleurs de chez nous: veillée ou commerce ?

Samedi 15 Septembre 2018 - 16:31

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

Les veillées mortuaires, espaces et moments de solidarité à l’égard de la famille endeuillée, renseignent suffisamment sur les déviances de la société congolaise actuelle. 

On a décrié et on continue de décrier les violences ainsi que le banditisme auxquels se livrent des jeunes ; on a regretté et on regrette toujours le déchirement des familles suite au décès d’un des leurs ; on a condamné et on condamne encore la séquestration des dépouilles ; on observe ici et là combien les jeunes, et même des adultes, nous servent des obscénités ;  on a vu arriver le commerce de cacahuètes et on l’a validé. Bref ! La liste est longue sur les dérapages qui ont pris corps sur ces lieux de recueillement.

Parce que certains individus jugent ces moments lassants tout en étant éprouvants, il leur faut des adjuvants pour résister durant les journées et les nuits qu’ils y passent. Aussi, la consommation de l’alcool en ces lieux répond-elle à deux évidences : la recherche du réconfort  moral et psychologique et la dilution de la douleur. Ceci, au-delà du besoin primaire qui habite chacun de consommer.

Décrite comme telle, cette réalité peut s’accepter. Cependant, la déviance est là : le commerce au sein même de l’espace réservé à la veillée. Un commerce initié par celles et ceux qui sont directement frappés par le deuil. Et quel commerce ?  La vente de l’alcool ! Si ce n’est la fille du défunt, c’est la petite-sœur de la défunte ou un autre membre de la famille qui délocalise sa buvette de là où elle se trouve pour l’installer provisoirement à la veillée. Quelle morale véhicule-t-on de vouloir gagner l’argent sur le dos d’un mort surtout si celui-ci est le frère, la sœur, la mère, etc. ?

Dans le même registre, on évoquera aussi la vente du pagne : cette tenue que les membres de la famille portent le jour de l’enterrement pour exprimer le deuil et pour se distinguer. Sauf que ce qui choque, c’est la démarche de certains membres de la famille, commerçants attitrés mais commerçants de fortune. Une attitude qui consiste à prendre les autres de cours en leur imposant les couleurs, les motifs et le prix du tissu ou en leur collant une dette quand ces derniers, manquant d’argent pour en acheter, refusent de souscrire au port de « l’uniforme de famille ».

Ainsi va le Congo avec ces mœurs importées d’on ne sait où et tout à l’opposé du bon sens. Une banalisation de la mort qui trahit à la fois la cupidité et l’insensibilité de certains individus. Des dispositions moralement choquantes qui annoncent la déliquescence d’une société, la nôtre, la société congolaise que l’on présente pourtant comme conservatrice et jalouse de ses traditions.

Un comportement dicté par cette éternelle soif du gain que même le décès d’un proche ne réussit à aseptiser.  Et que dire de celui dont la parcelle a été réquisitionnée (!) ou retenue pour abriter le deuil ? A propos, il en est qui exigent quelques dédommagements suite aux préjudices subis, à savoir saccage des lieux et des meubles ; insalubrité et insécurité provoquées ; factures d’eau et d’électricité à régler, etc.

Van Francis Ntaloubi

Notification: 

Non