Couleurs de chez nous : Vous avez dit Etat laïc ?

Mardi 3 Octobre 2017 - 12:56

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Je ne l’ai pas dit. Mais nous l’avons souhaité et nos constitutionalistes l’ont consigné dans la loi suprême de notre pays, le Congo. Nul besoin de vous citer, ici, l’article qui en fait mention. Nul besoin également de faire un exposé sur les fondamentaux de la laïcité, si ce n’est de résumer qu’il s’agit de cette doctrine qui prône la séparation de l’Etat et de l’Eglise et l’acceptation de toutes les religions par l’Etat.

Cela suffit pour revenir aux pratiques sociales qui ont cours chez nous. Deux faits mineurs m’ont interpellé. Dans le taxi qui me conduit à l’hôpital, une femme, assise à côté du chauffeur, interroge ce dernier sur ses absences à l’église. Elle devait être sa voisine. La suite de leurs échanges l’attestera. Le taximan, silencieux,  reste concentré sur son volant. La femme s’irrite, devient plus loquace et agressive. Elle argue et condamne le « frère perdu ». Pour la rassurer, le taximan dit à sa « sœur en christ » : «  Tu as raison. Mais ce taxi est mon assurance-vie. Les exigences du métier ne me permettent plus d’être des vôtres tous les jours comme je le faisais. Je ne suis libre que les dimanches. Essaye de me comprendre ». Des propos qui fâchent ! La dame l’arrête et descend. « Je ne te reconnais plus frère. Tu es vendu ! », lance-t-elle avant de quitter.

J’arrive à l’hôpital. Avec pour objectif de retirer les résultats des examens que j’ai passés deux jours avant. Dans le bureau, une femme est assise, les yeux fermés et les mains jointes. Elle monologue. Elle prie. Je m’adresse à elle pour exposer mon problème. Silence ! Les personnes assises sur le banc, derrière moi, me notifient que cela fait plus de dix minutes qu’elle est dans cette posture. Et qu’elles sont contraintes d’attendre. Sans recours, car c’est son droit de prier.

Ici et là, on oblige des usagers ou des clients d’attendre, le temps d’un rituel. Dans les banques, des caissières prennent des minutes pour faire des incantations afin de chasser le diable qui les trouble et leur fait faire des manquants. Des scènes au vu et au su des clients, souvent impatients de récupérer leur dû. Combien de fois des chauffeurs de taxi, de bus ou des pompistes à la station-service n’ont-ils pas soumis leurs clients à ce traitement ? 

Ce comportement n’était pas congolais. S’il l’était, il n’était pas exporté au niveau des administrations. C’est ainsi que certaines personnes remplissent leurs bureaux de divers tableaux qui traduisent leur foi ou leur appartenance à telle ou telle autre religion. Le faisant, ils oublient, pour certains, qu’ils partagent le bureau avec les autres. Même absents, ils refusent que d’autres collègues s’asseyent sur leurs sièges, oubliant que le fauteuil mis en quarantaine est un bien de l’Etat et pour la jouissance de tout agent. Ou presque.

Les mêmes scènes sont racontées au sujet des conducteurs des autorités de la République. Certains acceptent difficilement de prendre le volant après que la voiture a été conduite par tel autre chauffeur. Des soupçons, à tout vent, qui ne favorisent ni l’émergence de leurs auteurs ni celui de l’administration que l’on sert.

Comment qualifier cette attitude qui consiste à sacrifier le service public au profit des personnelles ?  Un tableau aux tristes couleurs. Et qu’il faut revoir

Van Françis Ntaloubi

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