Déclaration universelle des droits de l’homme : une sculpture monumentale pour célébrer le soixante-dixième anniversaire à Paris

Jeudi 22 Novembre 2018 - 20:25

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Prévu dans la soirée du 6 décembre, le dévoilement de « Porteuse de vies », l’ouvrage admirable du réputé sculpteur congolais Freddy Tsimba sera la première œuvre d’art à faire son entrée au Théâtre national de Chaillot depuis sa création en 1937. Il va marquer l’ouverture des festivités de cette grande commémoration étalée sur cinq jours, soit du 6 au 10 décembre.

Matthias Leridon en visite dans l’atelier de Freddy Tsimba à KinshasaLe Théâtre national de Chaillot où la Charte des droits de l’homme fut signée le 10 décembre 1948 va servir de cadre à une célébration inédite du 70e anniversaire de ce texte fondateur et essentiel pour le combat en faveur des droits humains. Elle va donner lieu à une série de festivités dont le lancement est prévu pour le 6 décembre. Dans un récent entretien accordé à Radio Okapi, Matthias Leridon soulignait que le Manège de Chaillot a choisi d’imprimer une dimension artistique à cet évènement « en offrant officiellement à l’État français une sculpture qui soit le symbole du combat permanent pour les droits de l’homme ». Le fondateur du Manège de Chaillot, premier fonds de dotation d’un théâtre national français, a précisé que « Porteuse de vies », une femme sans tête de près de trois mètres de hauteur réalisée à partir de douilles ramassées dans les zones de conflits armés en RDC, sera dévoilée lors du déjeuner dans le grand escalier du Théâtre national de Chaillot.

Face à ce constat déplorable de Matthias Leridon : « Lorsque les droits de l’homme sont bafoués, les femmes sont souvent les premières à en faire les frais », Freddy Tsimba dresse cette femme sans tête debout, une posture marquant une forme de résistance face aux assauts des revers de la vie. La symbolique de son œuvre, l’artiste invite à la percevoir de la sorte : « elle n’est pas lasse malgré les problèmes, elle reste debout et porte la vie. C’est magnifique ! ». L’universalité de l’œuvre tient tout autant au fait que la femme est reconnue comme gardienne de la vie qu’à l’absence de tête qui n’est pas le fait d’une décapitation, un drame et ce n’est pas le cas ici. La pensée du fameux sculpteur ainsi livrée éclaire mieux à ce propos : « La tête permet d’identifier la personne de sorte que si j’en mettais une, cela donnerait une identité caractéristique qui permet d’attribuer une race ou une couleur. Sans la tête, le corps peut être celui d’une Chinoise, Marocaine, etc. ». Et d’ajouter sur les ondes de la radio onusienne : « Moi, je me dis que c’est juste une femme, c’est un être magique. Elle porte en elle un pouvoir unique. Je rends hommage à la femme, qu’elle soit africaine, asiatique, peu importe sa race ». Ce à quoi Matthias Leridon renchérit : « Il y a beaucoup de force dans la statuaire de Freddy Tsimba. Cette œuvre monumentale, une femme qui n’a pas de tête, pas de mains, tient un livre dans ses bras, probablement la déclaration universelle des droits de l’homme, c’est finalement la vie qui s’exprime à partir de matériaux qui ont servi à supprimer la vie ». Le mécène affirme en sus que la sculpture commandée à Freddy Tsimba a été choisie en raison de son matériau, les douilles. « Il y a une très belle symbolique de réutiliser des matériaux qui étaient destinés à retirer la vie pour en faire un formidable espoir pour l’humanité, la vie. Au regard de la situation actuelle du monde qui se caractérise par un développement très fort des tensions à la fois à l’intérieur des pays et entre les peuples ainsi que entre les pays et les peuples. Je crois que c’est un formidable cri d’espoir de Freddy montrant finalement que ce qui sert à la tension peut devenir un espoir pour une vie meilleure », soutient Matthias Leridon.

Transformation et transmutation

Par-delà sa perception personnelle de « Porteuse de vies », fort de sa connaissance du travail du réputé sculpteur congolais, Matthias Leridon en livre une lecture édifiante. « J’aime beaucoup l’œuvre et le talent de Freddy, mais aussi le fait qu’au-delà de la qualité esthétique de l’ensemble de ses sculptures, il s’y trouve toujours un ancrage dans l’histoire de la République démocratique du Congo. Un ancrage qui permet la transformation de matériaux de récupération. Et il ne s’agit pas seulement de douilles, car ça peut être des cuillères, des machettes comme pour la fameuse « Maison machette », des téléphones portables, etc. L’on est face à la transformation d’un quotidien qui devient finalement un déchet, que l’on délaisse dans la rue, n’est plus utilisé. Et c’est à partir de ce quotidien abandonné que Freddy procède à cette transmutation dans ses créations artistiques. Au-delà du simple recyclage opéré par l’artiste, il y a une dimension plus forte, celle de l’histoire de ces outils du quotidien qui, d’un coup, deviennent, apportent un nouvel élan, un nouvel espoir aux créations de Freddy Tsimba », révèle-t-il. Et de conclure au sujet de « Porteuse de vies » : «  Derrière le talent artistique, il y a aussi un témoignage de ce qu’il y a de pire quand les droits de l’homme ne sont pas respectés, c’est-à-dire la guerre. « Porteuse de vies » est donc à cet effet porteuse d’une double symbolique, à savoir que c’est la première œuvre d’art qui fait son entrée au Théâtre de Chaillot car elle va y demeurer désormais. Mais aussi elle est une transformation, presque une transmutation de ce qu’il y a de pire quand les droits de l’homme ne sont pas respectés, à savoir la guerre civile. Les matériaux qui ont servi à cet usage, ces douilles, deviennent des porteurs d’un espoir des respects des droits de l’homme par l’ensemble des nations dans le monde ».

 

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Matthias Leridon en visite dans l’atelier de Freddy Tsimba à Kinshasa

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