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Dialogue alternatif contre dialogue national inclusif : à quelles fins ?

Mardi 28 Juillet 2015 - 16:45

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La querelle qui anime la classe politique congolaise sur l’avenir des institutions publiques bat son plein. L’opposition congolaise, regroupée au sein du Frocad (Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique) tient un dialogue alternatif à celui de Sibiti. À propos de ce dernier, les conclusions ont été remises, le 27 juillet, au président de la République, Denis Sassou N’Guesso, son initiateur, par le président du présidium, André Obami Itou (voir encadré).

Selon toute vraisemblance, à la fin de leurs travaux, les leaders du Frocad s’en remettront, eux également, au chef de l’État. Que comprendre à la démarche parallèle de cette plateforme demeurée, il y a peu, sourde aux appels à dialoguer lancés par le chef de l’État ?

À l’ordre du jour du dialogue de Sibiti qui comportait fondamentalement les points sur « la gouvernance électorale » et « la réforme des institutions », les "alter dialogueurs" ont approuvé le premier point et tronqué le second contre « le respect de l’ordre constitutionnel ». Ce qui veut dire, tout bien considéré, que la pierre d’achoppement entre Sibiti et la réunion du Frocad, qui s'achève ce mercredi à Brazzaville, n'était autre que la réforme des institutions. La querelle est donc éminemment politique. Les « Frocadiens » accepteront-ils, cette fois, d’être reçus par le chef de l’État et de lui parler, enfin, au nom de l’intérêt supérieur de la nation ?

Une délégation du Frocad au Palais du peuple ?

Il serait intéressant de voir la composition de sa délégation à cet effet, car de son « gabarit », pourrait dépendre l’accueil qui lui sera réservé au Palais du peuple. À savoir que nombre d’entre les cadres du Frocad n’y ont plus mis les pieds depuis plusieurs années. La presse, évidemment, pourrait se satisfaire des images qu’offrira une telle rencontre et  trouver, peut-être, « la plus belle photo » de l’année 2015.

On peut par ailleurs esquisser une projection des conclusions de ces retrouvailles alternatives que leurs promoteurs se proposent de remettre au président de la République au lendemain de la clôture de leurs travaux. Les désidératas de la classe politique sur la gouvernance électorale étant globalement partagés depuis les concertations d’Éwo, en 2011, de Dolisie, en 2013 et de Sibiti récemment, il n’est pas certain qu’à ce sujet le Frocad inventera quelque chose de nouveau. Il se contentera donc, sur le point qui divise la classe politique, de présenter ou transmettre au chef de l’État le rapport consignant son refus catégorique du compromis sur la réforme ou l’évolution des institutions. Ce sera donc le choix du statu quo. Et paradoxalement celui du recours au souverain primaire.

Il reste pourtant une constante dans le processus engagé par le Frocad : le fait pour ses dirigeants, au discours souvent haut, de recourir au président de la République en dernier ressort est en soi quelque chose de positif. Ils se rendent à l’évidence qu’il est le "père de la nation". Mais ceci veut dire aussi qu’en la circonstance, ils lui reconnaissent la légitimité d’apprécier leur démarche, d’en apporter au besoin un éclairage et, pourquoi pas, de considérer ce qui peut l’aider à la décision. En son âme et conscience.

Sauf à imaginer que seul leur point de vue comptera, ce qui ressemblerait plus à une volonté d’en imposer coûte que coûte qu’à un besoin réel d’échanger, le président de la République pourrait être appelé, au regard de la position du Frocad, à reprendre le propos de son message à la nation du 31 décembre 2014 : « Il est évident que les affaires des Congolais sont et seront réglées par les Congolais eux-mêmes, de préférence par le dialogue. Et, si des divergences persistent entre responsables politiques, seul le peuple souverain sera appelé à trancher, par le vote ». Or les politiques congolais sont entrés de plain-pied dans un état de « divergence persistante ».

Le vote, la simple révision de la Constitution du 20 janvier et le statu quo sont les trois axiomes sur lesquels les délégués au dialogue de Sibiti ont animé leurs exposés. Avec cette conclusion qu’une écrasante majorité d’entre eux souhaitait aller au référendum. Ce qui ne signifie pas que ceux qui n’ont pas approuvé une telle issue n’aient pas eu d’arguments pour soutenir leur point de vue. Comme les politiques en ont le secret, ils peuvent se quereller éternellement sur la question tant que n’interviendra pas le scrutin populaire. Il n’est d’ailleurs pas certain que le vote élimine les contradictions. Non, il en apaise les ardeurs sur la foi des résultats qui sortent des urnes. La jeune démocratie congolaise abonde elle-même d’exemples parlants à ce sujet.

Il était une fois les "Forces de changement"

Au sortir de la Conférence nationale souveraine, en 1991, "les Forces de changement et de progrès" constituaient virtuellement, avec le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (Mcddi) de Bernard Kolélas, l’épicentre du nouveau pouvoir. Mais le leader du MCDDI se rend compte très vite qu’en dehors du bruit qu’ils répandent dans les meetings, -Grégoire Léfouoba appelait cela « la charge émotionnelle »-, les FCP ne valaient même pas un siège de conseiller d’arrondissement. Kolélas s’en sépara illico-presto, fort des résultats que lui procuraient les scrutins locaux et législatifs de 1992 qui classaient son parti deuxième force politique sur l’échiquier national.

Pour dire, à peu près, que si la réforme ou l’évolution des institutions proposées de manière consensuelle continue de diviser, le choix politique qui saute aux yeux ne peut pas être celui de refuser de voter. La seule fausse note viendrait, dans ces conditions, de ce que même ceux qui s’abstiendront de prendre part à la réforme subiront les nouvelles options qui auront été prises par voie référendaire, manquant ainsi d’apporter leur pierre à l’édifice de construction nationale. La démocratie peut être aussi l’art de laisser agir le temps sans convertir des débats houleux en affrontements fratricides.

Essayons de dialoguer, de toujours dialoguer.

Gankama N'Siah

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