Opinion

  • Brin d’histoire

Dr François-André Silou

Vendredi 13 Décembre 2013 - 3:01

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Le déracinement est l’expérience métaphysique vécue par des milliers de Brazzavillois expulsés de Léopoldville (Kinshasa) en 1964. En 2014, il y aura cinquante ans qu’eut lieu ce retour forcé au pays de nos compatriotes installés de l’autre côté du fleuve. Chez eux, pensaient-ils.

C’est un kaléidoscope de souvenirs qui me reviennent, notamment celui des femmes et des hommes avec leurs enfants, les yeux hagards, livrés paradoxalement à l’inconnu dans leur propre pays, que certains connaissaient à peine, après une traversée en bateau, brève mais éprouvante. Parmi ces réfugiés, le Dr André-François Silou.

Ce médecin congolais, né le 13 mai 1923 à Kimpala (Boko), d’une formation éclectique dans le domaine de la santé, sans tarder, après les formalités de réinsertion, est nommé dès 1965 médecin-chef du centre médico-chirurgical de l’hôpital général de Brazzaville. Il est, au plan national, sur tous les fronts de la lutte contre les endémies et les pandémies. C’est donc fort de cette expérience qu’il intègre l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à partir de 1974. Au Burundi, son premier poste, il est chef du projet de développement des services de santé de base. Puis c’est au tour du Bénin d’accueillir ce médecin chevronné en qualité de représentant de l’OMS dans ce pays. Au Mali, autre pays hôte de François-André Silou, ses activités couvrent un large spectre : la santé, l’eau, la nutrition, dans une zone géographique comprenant le Burkina-Faso, le Niger, la Mauritanie, le Sénégal, le Cap-Vert et la Gambie.

Après une carrière bien remplie, le 31 décembre 1983, François-André Silou est admis à la retraite, ce qui ne l’empêche pas de se livrer à de nombreuses activités pédagogiques à Brazzaville. Mais cette activité est interrompue par la maladie. Le docteur François-André Silou est évacué en France le 27 mars 1977. Un an après son arrivée en France, il décède brutalement d’un arrêt cardiaque au cours d’une séance d’hémodialyse à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Le souvenir de cet illustre médecin congolais affleure à quelques mois du cinquantième anniversaire de l’expulsion des Brazzavillois de Léopoldville par Moïse Tshombe, alors Premier ministre de la RD-Congo.

La violence extrême et subite avait basculé la vie de nos compatriotes dans l’incertitude. Après l’angoisse du retour, ils ont, heureusement, trouvé leurs marques. Ils se sont réintégrés à un rythme sidérant. En dépit des années qui passent, les stigmates de ce « voyage de retour forcé » sont toujours vivaces dans les mémoires de ceux qui ont vécu les affres de ce brusque élan d’ostracisme. Le caractère surréaliste de cette expulsion a provoqué en son temps l’incompréhension des populations, habituées à vivre en parfaite symbiose, on dirait même en osmose, de part et d’autre du fleuve Congo.

Dans nos pays volontiers, ou volontairement, amnésiques, ce retour au bercail de nos compatriotes mérite qu’on s’en souvienne. Il a permis de changer le cours de l’histoire de notre pays qui a bénéficié de leurs services. Outre le cas de François-André Silou, leurs faits d’armes sont innombrables. Chez les sportifs, par exemple, on se souvient encore, des années après, des performances de Tandou, gardien de but émérite de la sélection nationale. Dans le domaine musical, sans ce retour au pays, l’orchestre Tembo de Loubelo Delalune n’aurait sans doute pas existé. Tous les secteurs de la vie nationale ont bénéficié de l’apport de nos « réfugiés », comme on les appelait, à cette époque. Edo Ganga, par une extraordinaire prémonition, avait signé dans l’OK Jazz, quelque temps avant cette expulsion, sa célèbre chanson, Na Congo nazali réfugié té. Non sans raison.

Mfumu

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Brin d’histoire : les derniers articles