Droits de l'homme en Afrique : un congrès plaide à Abidjan pour l'abolition de la peine de mort

Mardi 10 Avril 2018 - 17:30

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Alors que certains pays sur les cinquante-cinq que comptent le continent pratiquent encore la peine capitale, les participants aux assises qui se sont tenues dans la capitale économique ivoirienne, du 9 au 10 avril, ont plaidé pour son annulation totale.

 

Le congrès "Ensemble contre la peine de mort" a réuni à Abidjan des participants venus de trente pays, dont des ONG, des personnalités politiques et des organisations internationales. Ils ont souligné que l’abolition de la peine de mort est avant tout une question de courage politique, sur un continent où l’on voit régulièrement se produire une justice populaire expéditive, comme des lynchages de délinquants réels ou supposés. « Si un gouvernement fait preuve de volonté politique pour abolir la peine de mort, l’opinion publique suit », a estimé Susan Kigula, qui a passé quinze ans dans le couloir de la mort dans son pays, l’Ouganda, accusée d’avoir tué son mari, bien qu’elle ait toujours clamé son innocence. « Je vous implore tous de vous lever et de dire non à la peine de mort », a-t-elle lancé à des ex-condamnés, qui tous, ont plaidé à Abidjan pour la fin de la peine capitale en Afrique, perçu comme le « prochain continent abolitionniste ».

Selon les données de l’association Ensemble contre la peine de mort (EPCM), qui organisait la rencontre de la capitale économique ivoirienne sur ce thème, dix-neuf Etats africains ont déjà aboli totalement la peine de mort dont le Congo, vingt-quatre ne la pratiquent plus, bien qu’elle soit toujours en vigueur. Toutefois, douze pays africains pratiquent encore la peine capitale, huit cent cinquante-cinq condamnations ont été prononcées et soixante-huit personnes exécutées en 2016 sur le continent. Ces pays sont le Botswana, l’Egypte, l’Ethiopie, la Guinée équatoriale, la Libye, le Nigeria, l’Ouganda, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud, le Tchad et le Zimbabwe.

« Chaque année depuis dix ans, un pays africain abolit la peine de mort (…). C’est une tendance continue. Après l’Europe et l’Amérique du sud, l’Afrique est le prochain continent abolitionniste », a fait savoir le directeur général d’EPCM, Raphaël Chenuil-Hazan. « La peine de mort est discriminatoire, elle frappe avant tout les pauvres, qui n’ont pas les moyens de se défendre. C’est donc d’abord une discrimination sociale, avant même d’être une discrimination raciale, comme aux Etats-Unis où ce sont quasi exclusivement des Noirs qui sont condamnés », a-t-il rappelé.

Raphaël Cheneuil-Hazan a aussi relevé que cette pénitence est un instrument de répression politique. « La peine de mort est aussi un outil pour se débarrasser d’opposants politiques dans de nombreux régimes. En fait, la question de la peine de mort est la porte d’entrée de tous les sujets de droits humains », a-t-il poursuivi.

De son côté, le Kényan Pete Ouko, sorti en 2016 après dix-huit ans passés dans le couloir de la mort dans son pays, pour un meurtre qu’il a toujours nié, a dit qu’il faut d’abord agir sur les causes sociales du crime. Et optimiste sur l’abolition de la peine de mort en Afrique, il a déclaré : « Je vois un changement progressif dans l’attitude des gens, les Kényans ne veulent plus de la peine de mort, dans tout le pays, pas seulement dans les villes, et je crois que c’est le cas dans toute l’Afrique de l’est ».

Devenu avocat pendant sa détention, diplômé de l’université de Londres, Pete Ouko a fondé une association pour aider les jeunes à ne pas tomber dans la délinquance et aider les condamnés à se réinsérer socialement. Quant à l’Ougandaise Susan Kigula, mère de deux enfants, elle avait été libérée en 2016. Pendant son incarcération, elle avait passé un diplôme de droit de l’université de Londres, lancé une chorale de détenues et est devenue un symbole de la lutte contre la peine de mort dans son pays, qui l’applique toujours.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nestor N'Gampoula

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