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Du bon et du mauvais usage des finances publiques

Lundi 19 Mai 2014 - 0:54

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Il est indiscutable que la gestion des finances publiques par les autorités du Congo n’a cessé de s’améliorer depuis la fin de la guerre civile et la restauration de l’appareil d’État qui s’en est suivie. En témoignent de façon indiscutable la réduction de la dette extérieure, la remise en ordre de la plupart des administrations et, surtout, l’incroyable modernisation des grandes infrastructures que nous voyons se réaliser sur toute l’étendue du territoire.

Soulignons, avant d’aller plus loin, que le Congo n’aurait pas retrouvé au sein de la communauté africaine la position qui est aujourd’hui la sienne si ses plus hautes autorités n’avaient pas tracé de façon claire la voie à suivre pour y parvenir en un temps record. Mais ajoutons tout aussitôt que cette réussite a généré des problèmes auxquels il conviendrait de s’attaquer résolument si le pays ne veut pas se trouver confronté demain à des difficultés internes dont il aurait sous-estimé à tort la gravité.

Expliquons-nous en quelques mots. Dans le même temps où il modernisait ses grandes infrastructures de façon spectaculaire, le Congo a volé au secours de ses voisins et de ses frères africains, proches ou lointains, en leur apportant une aide financière sans laquelle certains d’entre eux auraient probablement sombré dans le chaos. Il a, ce faisant, grevé ses propres finances de façon telle qu’il se trouve aujourd’hui en position délicate dans deux domaines distincts, mais complémentaires : le social et l’économique.

Le social, parce que la hausse du niveau de vie, l’amélioration des équipements de santé et d’éducation, la création d’emplois sont demeurées relativement faibles, engendrant une insatisfaction qui n’est pas encore très perceptible, mais qui grandit au fil des mois. L’économique, parce que la multiplication des grands projets sur toute l’étendue du territoire et l’aide financière apportée aux pays proches du Congo ont provoqué des tensions de trésorerie interne dont les conséquences pourraient s’avérer graves à brève échéance.

Nous avons dit ici même à plusieurs reprises que le règlement de la dette intérieure de l’État est tout aussi important que l’annulation de ses engagements financiers extérieurs. Le moment est venu de s’attaquer de front à ce problème, car les retards de paiement enregistrés du haut en bas de l’échelle économique depuis de nombreuses années et qui ne cessent de s’aggraver au fil des mois créent lentement mais sûrement des tensions économiques qui instaurent elles-mêmes un climat social délétère, climat qui pourrait générer à plus ou moins long terme, si l’on n’y prend garde, des troubles du fait de l’aggravation du chômage et de la détérioration des conditions de vie des classes sociales les moins favorisées qui en résulte.

Alors que le Congo s’apprête – du moins, espérons-le – à moderniser ses institutions et sa gouvernance publique, rien ne serait plus dangereux pour sa stabilité interne que de vivre ce que nombre de nations ont connu dans le cours des dernières années : un malaise social diffus qui, subitement, se transforme en révolte provoquant l’effondrement des institutions et la plongée dans un chaos politique dont chaque citoyen doit payer au final le prix fort.

S’il est une réflexion qu’il convient aujourd’hui de mener en priorité, c’est bien, nous semble-t-il, celle-là.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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