Ébola : les pays touchés au bord d’une crise économique durable

Jeudi 21 Août 2014 - 19:56

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

La Banque africaine de développement (BAD) a annoncé un fonds de 60 millions de dollars américains destiné à venir en aide aux pays affectés par l’épidémie qui lamine de nombreux secteurs d’activités économiques de la sous-région.

Le président de la BAD, Donald Kaberuka, a admis pour la première fois que la crise sanitaire était bien en train de se muer en crise économique durable. Ses effets dans les pays sévèrement touchés, en l’occurrence le Liberia, la Guinée et la Sierra Léone, deviennent psychologiques. En effet, un sentiment d’incertitude s’empare des opérateurs économiques de la sous-région. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a parlé d’un minimum de six mois pour contenir l’épidémie d’Ébola, mais à condition que tous les moyens de lutte soient mis en jeu effectivement. Et six mois représentent une véritable hécatombe pour les économies déjà fragiles de cette sous-région. Au-delà, la grande crainte est liée à la détérioration rapide du climat général.

Cependant, l’Agence française de presse (AFP) a décrit des scènes apocalyptiques, notamment la paralysie des activités minières, commerciales et maraîchères. Une baisse continue de la production nationale finira par asphyxier les économies ouest-africaines fortement dépendantes des grands groupes pour l’exportation de leurs matières premières, a renchéri l’AFP. Tout se joue donc sur la durée. Mais l’on confirme une montée de l’inquiétude des entreprises étrangères. Ces derniers jours, le géant mondial de l’acier, Arcelor Mittal, a suspendu son chantier d’agrandissement de la mine de fer de Yekepa et du terminal portuaire de Buchanan, au Liberia, selon l’AFP. Les entreprises sous-traitantes ont déjà déserté le pays, et évacué leurs employés. Il faut signaler également l’abandon des plantations de cacao et de café dans les régions de Sierra Léone et du Liberia. La faible production agricole risque d’entraîner des pénuries alimentaires. Selon une autre révélation de l’AFP, le Nigéria nouvellement touché, avec cinq cas de décès, a connu une baisse de 30% des réservations d’hôtel au mois d’août. Aujourd'hui, l’on s’inquiète davantage de la détérioration de l’image de ces pays, à en juger l’annulation massive des vols à destination du Liberia, de la Sierra Léone et de la Guinée.

Au Liberia où l’on compte le plus de morts, les évènements se sont précipités ces derniers jours. La mise en quarantaine de deux quartiers après l’attaque d’un centre hébergeant des malades d’Ébola, l’instauration d’un couvre-feu de 21 h à 6 h ainsi que le déploiement de l’armée peuvent démontrer à suffisance l’état de malaise général qui s’empare du pays. Pour certains analystes, il est clair que le Liberia a décrété d’une certaine manière un état d’urgence en arrêtant des mesures exceptionnelles. La Guinée a, quant elle, bien décrété un état d’urgence sanitaire. La sous-région s’engage inéluctablement dans la voie d’une crise durable, et les chiffres sont en constante hausse. Les dernières statistiques de l’OMS confirment 1350 cas de décès pour la plupart dans les trois pays touchés. Une preuve que l’épidémie continue à sévir, et que le continent africain doit se sentir concerné au premier plan du fait de la porosité des frontières, et donc de la facilité de circulation du virus d’un pays à un autre. Les budgets additionnels alloués à la prise en charge des malades et la défense du territoire nationale contre l'invasion du virus provoqueront des déséquilibres dans la planification budgétaire des pays touchés.

Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Monrovia, capitale du Liberia, frappée par Ébola