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Ecrire, ou réécrire l’Histoire

Samedi 23 Avril 2016 - 12:25

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Même si les puissances qui dominèrent longtemps le monde refusent encore de l’admettre, la vision qu’elles projetaient jusqu’à présent des cinq continents et tout spécialement du rôle qu’elles jouaient dans la conduite des affaires internationale se fissure inexorablement. Avec comme conséquence une écriture, ou plutôt une réécriture de l’Histoire, qui ne leur profitera guère puisqu’elle fera apparaître le rôle négatif que leur quête effrénée de la richesse, du pouvoir, de la domination a joué dans l’évolution de l’humanité tout au long des siècles précédents.

Dans quelques jours – du 7 au 14 mai – se déroulera en divers lieux de la capitale du Congo, Brazzaville, le troisième Festival Image et Histoire organisé par l’Institut Français du Congo, dont le thème, cette année, est « L’Afrique des explorations et des explorateurs ». Au-delà des images d’Epinal qui accompagnent traditionnellement ce genre de rencontres il sera intéressant de suivre les conférences qui traiteront, d’une part, de la façon dont les nations européennes s’y prirent pour constituer leur empire colonial et, d’autre part, de la résistance  que leur opposèrent sur le terrain les peuples ciblés par ces conquêtes.

Jusqu’à présent, en effet, c’est de façon générale la version des colonisateurs qui a dominé la narration des évènements ayant marqué les cinq siècles de la colonisation. Avec, comme conséquence, que les archives sur lesquelles reposent cette version et dont beaucoup demeurent inaccessibles au commun  des mortels, sont conservées en Europe ou aux Etats-Unis ; ce qui a pour effet d’empêcher, ou du moins de freiner, le travail de mémoire qui permettrait d’établir la vérité, mais aussi et surtout de comprendre pourquoi les pays situés dans des régions comme le Bassin du Congo ont tant de mal, aujourd’hui, à franchir les obstacles élevés sur la voie de l’émergence.

Alors que s’édifie, en plein cœur de Brazzaville et dans l’enceinte même du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza, un centre de conférences qui permettra de débattre de ces questions en continu et que se prépare simultanément à Loango, près de Pointe-Noire, un musée qui relatera les terribles blessures causées par la traite négrière pendant plusieurs siècles, il n’est pas inutile de rappeler ce qui a été dit et écrit ici même à maintes reprises ces dernières années :

° Premièrement, le temps est venu de lancer sur toute l’étendue du Congo et, plus généralement du Bassin du Congo les recherches qui permettront de reconstituer l’Histoire, la véritable Histoire, en recueillant les souvenirs, les objets, les traces physiques de la longue épreuve qui l’ont marquée.

° Deuxièmement, des négociations doivent être engagées sans plus attendre avec les autorités de la France, de la Belgique, de l’Angleterre, du Portugal, des Etats-Unis afin que reviennent dans les lieux de mémoire en construction au Congo les documents qui sont conservés ailleurs et qui lui appartiennent.

La France, pour ne citer qu’elle, sait à quel point le fait de rassembler les traces de l’Histoire en des lieux privilégiés est important pour la cohésion d’une nation. La preuve en est que ses plus hautes autorités n’ont pas cessé de le répéter de façon spectaculaire tout au long des cérémonies qui ont marqué récemment les commémorations de la première et de la deuxième guerre mondiale. Elle est donc mieux placée que quiconque pour aider le Congo à écrire, ou plutôt à réécrire son Histoire.

Gageons qu’Alain Mabanckou rappellera haut et fort cette vérité le 2 mai lors du colloque « Penser et écrire l’Afrique noire » qu’il présidera au Collège de France.

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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