Église catholique : le pape François poursuit imperturbablement ses réformes

Samedi 21 Juin 2014 - 17:27

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Le chef de l’Église catholique n’écarte pas de démissionner comme son prédécesseur si les circonstances et Dieu lui en imposaient le choix

La décision du pape Benoît XVI de renoncer à sa charge en février dernier n’a pas fini de faire parler d’elle. Ne serait-ce que parce que, en posant un acte aussi inouï n’ayant eu aucun précédent dans l’histoire, il ouvrait la voie à une jurisprudence qui peut ou ne pas se répéter selon les circonstances et, surtout, suivant la volonté de celui qui sera confronté au choix entre rester et abandonner. Le 28 février de l’an dernier, le pape allemand a ouvert une brèche dans la rigidité des règles de succession au sein de l’Église catholique.

Il y a ceux qui s’en félicitent et il y a ceux qui estiment qu’une telle décision est porteuse de plus d’incertitudes que de tranquille évolution, synonyme d’une adéquation normale aux signes des temps. L’histoire seule dira si, avec le recul, la brèche ouverte a fait s’engouffrer dans l’Église catholique de l’air purificateur et vivifiant ou les germes de la corrosion. Dans les deux camps, des pessimistes et des optimistes, on scrute les marques de la nouveauté ou les débuts de la rouillure.

Et cela, d’autant plus que le pape ayant succédé à Benoît XVI se présente avec la volonté d’un ouragan qui ne veut laisser aucun recoin de l’Église sans coup de plumeau. Le pape – argentin – François (qui n’a voulu accoler aucun ordre de succession à son nom de simplicité et de pauvreté) est un homme qui veut parler de Dieu aux hommes, pas à l’appareil. Il tient en sainte horreur les dorures et les lambris, préférant inviter à sortir pour « aller prêcher aux périphéries du monde ».

Il faut « aller aux périphéries où se trouve la souffrance, où le sang est versé ». Et les prêtres, qui « ne doivent pas être des collectionneurs d'antiquité, des fonctionnaires » ni, plus tard quand ils deviennent évêques, se transformer en « des managers ou des croisés doivent s'imprégner de l'odeur de leurs brebis ». Le prêtre, par conséquent, ne doit pas être celui qui fait plus attention au pli de sa soutane qu’à la mission qui lui est confiée. Il faut fuir « le danger de la mondanité ». Car « le christianisme sans la croix, sans Jésus, sans dépouillement est comme une pâtisserie, une belle tarte ».

Tout faire pour éviter les violences entre chrétiens

Prêchant pour sa chapelle, si l’on peut dire, le chef de l’Église catholique n’en oublie pas le monde extérieur où la violence n’attend qu’un prétexte pour se déchaîner, y compris au nom de Dieu. Et ceux qui en font le plus grand frais aujourd’hui sont les chrétiens, visés par les extrémismes de tous ordres. Dans une interview, il y a une semaine à la presse espagnole, le pape a estimé que « la persécution des chrétiens est plus forte qu'au cours des premiers siècles de l'Église. Il y a aujourd'hui plus de martyrs chrétiens qu'à cette époque ».

Mais à qui, au sein de l’Église catholique, s’évertuerait à enfourcher tout de suite le cheval de la  victimisation et à ne voir que la paille dans l’œil des autres pas la poutre dans le sien, le pape a rappelé que les chrétiens venaient eux-mêmes de loin. « Nous autres chrétiens avons aussi des groupes fondamentalistes ». Il a évoqué les longues guerres en Occident entre catholiques et protestants : en France, en Angleterre, en Irlande, en Hollande mais pas seulement. Mais il a ajouté, surtout en raison des avancées accomplies sur la voie de l’œcuménisme, qu’une guerre entre catholiques et protestants n’était plus possible aujourd’hui.

À 77 ans, le pape François fonce. Au début du mois, il a dû suspendre une partie de ses activités pendant quelques jours : fatigue, fièvre soudaine dont il s’est vite remis. Pour les deux mois à venir, il n’entend pas tenir d’audiences générales les mercredis Place Saint-Pierre, mais il n’entend pas davantage s’accorder des vacances. En tout cas pas au palais de Castel Gandolfo, à une vingtaine de kilomètres de Rome, où les papes passent habituellement les mois de juillet et d’août. Mais il a maintenu les prières de l’Angélus, à midi tous les dimanches, sauf lors de son voyage en Corée du Sud mi-août.

Sa ferme volonté de « secouer le cocotier » du Vatican ne connaît pas d’infléchissement par ailleurs. À la curie romaine, il poursuit patiemment le nettoyage et asseoit patiemment les structures devant soutenir ses réformes : un secrétariat pour les affaires économiques, un autre pour les affaires financières, un conseil des cardinaux et de petites doses d’innovations qui deviennent son style propre. Direct, sans flonflons ni apparats surannés. Ses souliers sont élimés comme ceux d’un curé de campagne parce qu’il n’a pas accepté de porter les fameux « souliers de saint Pierre », mocassins rouges que portent habituellement les papes.

Alors, dans ce contexte, démissionnerait-il lui aussi comme l’a fait Benoît XVI ou bien irait-il jusqu’au bout, jusqu’à la mort comme l’ont fait 264 papes avant lui (il est le 266è) ? « Le pape Benoît a fait un grand geste, il a ouvert une porte. Benoît XVI n'a pas fait une entorse à la tradition, il a en fait créé une institution, celle d'éventuels papes émérites. Je ferai la même chose que lui, je demanderai au Seigneur de m'éclairer le moment venu, et qu'Il me dise ce que je dois faire. Et je suis sûr qu'Il me le dira! ». Une manière comme une autre de dire : attendez, vous verrez bien !

Lucien Mpama