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Ekumani!

Samedi 30 Avril 2016 - 18:25

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Sorti de son Lubefu natal, dans le Sankuru, en République démocratique du Congo, un certain 14 juin 1949, Jules Shungu Wembadio ne savait pas quel destin l’attendait lorsqu’il embrassa très jeune la carrière de musicien. Pour dire qu’il était devenu l’un des grands de ce monde dans le domaine qu’il adorait, celui de la chanson évidemment, faisons le tour des chaînes de télévision et de radio, feuilletons les journaux, cliquons sur le Net et entrons dans les réseaux sociaux nous archiverons tant de données sur l’homme. Jamais mort d’artiste-musicien du continent africain n’avait été célébrée au sens des hommages qui lui sont rendus du jour où il s’en est allé, ce 24 avril à l’aube, à celui de ses obsèques, ce 4 mai. De fait, de la vie à la mort, celui qui vendit bien son nom de scène de Papa Wemba a composé avec le succès.

De l’autre côté de la rive droite du fleuve Congo où il avait ses habitudes, le chef coutumier du village Molokaï sait combien Brazzaville lui rendait les civilités. Il passait par Brazzaville pour gagner Paris, et regagnait Kinshasa via Brazzaville. Parce qu’il savait accrocher les Brazzavillois, savait conter la vie avec gaîté, avait l’art de valoriser tout à la fois son talent musical, sa mise vestimentaire, son lingala du milieu. Et il a su s’adapter aux parcours de sa carrière de musicien accompli, devenant inclassable pour ses contemporains. A ce titre, on ne pouvait dire de Papa Wemba qu’il chantait mieux que l’un ou l’autre grand nom de la rumba établi à Brazza ou à Kin ; on ne pouvait non plus dire qu’il n’arrivait pas à la cheville de tel ou tel autre musicien de sa génération. Non, il avait sa place et cela suffisait de le considérer dans son gabarit exceptionnel.

Roi de la Rumba, mais aussi de la Sape, Papa Wemba ne tarissait pas d’éloges pour les grands noms de la mode, des Italiens, aux Anglais et passant par les Japonais. De ses amitiés avec Strervos Niarcos, il retint le conseil, disons la consigne inviolable des guides spirtuels de la réligion Kitendi, parmi lesquels Koko Waya et Kula Mambo. Ces Nkaka ou "grands pêtres" recommandaient en toute circonstance à leurs idoles de : « s’habiller, s’habiller, toujours s’habiller, et bien !» Son sociétaire dans Viva la Musica avant de voler de ses propres ailes avec Victoria Eleyson, King Kester Emeneya vouait à Papa Wemba une considération de tous les instants sur ce plan de la Sape. Il l’appelait « l’ancêtre », en quelque sorte le grand héritier de la chose. On savait Emeneya polémiste en matière de Sape et de réussite musicale. Il « allumait » littéralement les plateaux de télévision, revendiquant pour ce qui concerne la société des ambianceurs et des personnes élégantes le deuxième rang de plus grand sapeur des musiciens de Kinshasa après son « ancêtre ». Emeneya disait avoir révolutionné la rumba.

L’autre dimension par laquelle Papa Wemba jouait les inimitables, c’était la liste de ses surnoms. Se définissant volontiers comme un Yankee (homme branché), il revêtit tour à tour les chapeaux de Nkuru Yaka, Ekumani, M’Zée, Mwalimu, Jules-Presley, Bakala Dia Kuba, Vieux Bokul, Grand Maya, Elombe, chef coutumier, Formateur des idoles. Au point de faire s’éclipser ses noms de naissance Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba. Il était sur ce point en symbiose avec Strervos Niarcos Mukaravia Eddie-Barra, né Andrien Mombele Samba Ngatshie et de José Kadima Kula Mambo dit Mwatu Kumwata.

Ecoutez la chanson « Proclamation » (1984), vous saurez chez qui Papa Wemba prenait costumes, chemises, cravates et chaussures ; écoutez « Kaokokokorobo » vous apprendrez dans la langue des « Yankee » que ce titre en forme d’onomatopée signifie «  Notre père qui es aux cieux ». Il en fit lui-même la révélation à l’émission Karibu variétés animée sur la chaîne de la télévision nationale de son pays par le chroniqueur musical émérite Manda Tchebwa Tchamalu. Nous sommes sans doute en 2001. Et Wemba a continué sa carrière avec le même sourire large, la même gaîté, la même joie de vivre comme depuis toujours. Jusqu’au jour fatidique de la scène d’Anoumabo, à Abidjan, cette ville ivoirienne animée qu’il aimait tant, qu’il avait tant honorée dans ses chansons. Mercredi, il rejoindra les siens pour l’éternité.
Adieu l’artiste !
 

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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