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Et le Général de Gaulle, lui aussi, se retourna dans sa tombe …

Samedi 6 Décembre 2014 - 13:15

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Rien ne rend mieux compte de l’affaissement de la France que la vente à la Chine, en fin de semaine dernière, de la très prestigieuse aérogare de Toulouse-Blagnac qui est l’une des plus grandes plateformes aériennes de l’Hexagone.  En laissant passer ce fleuron sous le contrôle d’une très grande puissance, l’État français montre, en effet, qu’il n’a plus les moyens de protéger sa souveraineté. Il traduit dans les faits, de façon aussi irrationnelle que spectaculaire, la faiblesse extrême qui est devenue la sienne.

Que l’on nous comprenne bien : ce n’est pas la personnalité de l’acheteur – la Chine donc – qui est choquante en soi, mais le fait que les autorités françaises en soient réduites à mettre une telle infrastructure entre les mains d’un État étranger. Imagine-t-on les Américains céder à la Russie l’aéroport de Los Angeles, les Chinois vendre aux États-Unis celui de Shanghai, les Russes mettre celui de Saint-Pétersbourg entre les mains des Américains ? Évidemment non dans la mesure où chacun de ces aéroports occupe une position clé dans chacun de ces pays.

Il suffit d’ailleurs de lire ou d’entendre les commentaires souvent acerbes que suscite cette opération dans les milieux politiques, les médias, les organisations de la société civile française pour prendre la mesure de l’erreur qu’elle constitue.  Au-delà des problèmes d’ordre stratégique qu’elle pose, elle confirme en effet de façon spectaculaire que la France, sans doute proche de la faillite, se voit contrainte de recourir aux mesures les plus extrêmes pour tenter de desserrer l’étau financier qui l’enserre et gagner ainsi un peu de temps.

Soit dit en passant, nous en avons eu la semaine dernière une autre illustration tout aussi dramatique lorsque le Président François Hollande manœuvra à Dakar pour faire élire la Canadienne Michaëlle Jean à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie, cela  sans tenir compte de l’avis pour le moins hostile de ses pairs africains ni prendre en considération le fait que plus de 80 % des francophones que compte la planète vivent en Afrique. Un choix irrationnel que les observateurs les mieux informés expliquent par le fait que la France, n’ayant plus les moyens de financer l’OIF, s’est déchargée d’une partie de ce fardeau sur le très riche et très opulent Canada, lequel a sauté sur l’occasion sans voir qu’il se mettrait à dos la communauté africaine.

Laissons le Général de Gaulle se retourner dans sa tombe en murmurant les larmes aux yeux que ses successeurs n’ont décidément aucun respect pour l’honneur de la France ; mais analysons ce que de tels abandons de souveraineté portent en germe. Car la crise dans laquelle s’enfonce le pays que l’homme du 18 juin tira de l’abîme et sauva une nouvelle fois, vingt-cinq ans plus tard, en fondant la Cinquième République ne peut manquer d’avoir de lourdes conséquences sur au moins deux plans : d’abord en accélérant la perte d’influence de la France au sein de la Communauté européenne qui fait de l’Allemagne le leader incontestable et incontesté du Vieux continent ; ensuite en provoquant une révision drastique des relations qui existaient jusqu’à présent avec l’Afrique et qui lui permettaient de figurer toujours dans le camp des « Grands ».

Quitte à passer pour un oiseau de mauvais augure, les deux évènements qui nous conduisent à formuler, ici et maintenant, ces conclusions – mais on pourrait en citer bien d’autres tout aussi graves – sont le signe avant-coureur d’une remise en question de la place de la France dans le monde qui ira s’accélérant si les autorités françaises ne prennent pas rapidement les bonnes décisions.

En n’écoutant pas les conseils que lui donnent ses partenaires africains, la France ouvre la boîte de Pandore qui finira par la détruire. La preuve nous en a été donnée de façon accablante lorsque le Président Nicolas Sarkozy, n’écoutant pas les conseils qui lui étaient donnés par les Africains, accéléra la chute du Guide libyen, Mouammar Kadhafi, déclenchant du même coup le tsunami qui dévaste aujourd’hui la zone sahélo-saharienne, menace de s’étendre à l’Afrique centrale, plombe le budget militaire de la France, détruit la confiance qui existait entre celle-ci et ses partenaires africains.

Les responsables politiques, de droite comme de gauche, prouvant chaque jour un peu plus leur ignorance de ces réalités, le puissant appareil d’État qui gouverne le pays de Descartes va-t-il enfin se mobiliser pour remettre la gauche comme la droite dans le droit chemin ? Il est évident que s’il ne le fait pas rapidement, la France ne pourra plus compter sur ses partenaires les plus sûrs, des partenaires qui comprennent de moins en moins comment un pays aussi malade ose encore leur donner des leçons de bonne gouvernance.

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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