États-Unis/Russie : vers une rupture de longue durée

Samedi 20 Décembre 2014 - 17:30

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Les récentes déclarations des officiels américains et russes augurent d’une tension grandissante entre les États-Unis et la Russie. À la Maison Blanche, comme au Kremlin, le ton monte, les avertissements se multiplient, le fossé se creuse davantage. En fin de compte, Washington et Moscou ont suffisamment de dossiers stratégiques communs à gérer que leurs intérêts réciproques, trop divergents, éloignent l’une de l’autre les deux superpuissances de l’époque de la guerre froide que la chute du Mur de Berlin, en l’an 1989 du siècle dernier n’a finalement pas réussi à réconcilier.

Dossiers communs

Ukraine, Syrie, Iran : voilà trois dossiers, les plus en vue aujourd’hui, sur lesquels les États-Unis, ou plus communément l’Occident, n’accorde pas ses violons avec la Russie.

Sur la crise ukrainienne, le pays de Vladimir Poutine commence à ressentir les effets des sanctions occidentales dont on sait qu’elles menaceront à terme les équilibres socio-économiques en Russie. Comme pour enfoncer le clou, le président américain, Barack Obama, a indiqué, il y a quelques jours, qu’il signera bientôt le décret infligeant de nouvelles sanctions à la Russie. Pour le ministre Russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, cette option plombera encore un peu plus les relations entre les deux pays. Les premières sanctions prises au mois de mars contre Moscou, après l’annexion de la Crimée, visaient essentiellement des personnalités considérées pour leur rôle dans cet aboutissement controversé. Celles qui ont suivi, du fait du soutien supposé du Kremlin aux séparatistes pro-russes en Ukraine, touchent les entreprises, le secteur bancaire et limitent peu à peu la marge de manœuvre du pays dans le financement de son économie. Ces sanctions se renforcent au moment où les prix du pétrole décroissent de plus 20%  de leur coût initial. L’État russe doit à présent battre le rappel du patriotisme pour tenter de sauver ce qui peut l’être. Avec tous les désagréments que cela représente.

L’Iran et la Syrie

On pourrait avancer que la Russie et les États-Unis sont en opposition depuis toujours sur l’Iran et la Syrie en observant la gestion que les deux pays font de ces crises. À l’évidence, Moscou ne s’est jamais alignée sur la position de l’Occident qui était, un moment, résolu à infliger à l’Iran la punition que ce pays méritait, du fait de son obstination à ne pas abandonner son programme d’enrichissement de l’uranium. Ce devait être le recours à la force. La région du conflit étant sensiblement piégée, sans donner raison à la prudence russe, l’Occident poursuit, depuis des années, des discussions avec Téhéran afin de parvenir à une solution négociée.

Sur la Syrie également, sans approuver la position de Moscou, opposée à toute intervention militaire unilatérale contre le régime de Bachar Al Assad, les États-Unis et l’Europe, ont bien observé que tous ceux qui avaient pris les armes contre Damas n’étaient pas des enfants du chœur. D’où cette guerre des drones, des frappes et des bombardements, déclenchée par Washington ; Paris et d’autres capitales américano-européennes, contre l’État islamique (EI). On se dit que ce groupement constitue une véritable menace contre la stabilité de la région, sans avouer, au risque de perdre la face, que là-dessus, l’option qui a consisté à affaiblir à tout prix le pouvoir d’Al Assad n’a pas été payante.

L’affront russe et la rancune américaine

À propos de rancune, bien souvent, c’est pour une paille que des guerres se déclarent à l’échelle des nations. N’est-il pas possible que l’ire des États-Unis à « humilier » la Russie tire sa substance d’un fait banal enregistré dans le courant de l’année qui s’achève ? Edward Joseph Snowden, informaticien américain et ex-employé de la Central intelligence agency (CIA) et de la National security agency (NSA) est l’auteur de révélations embarrassantes portant sur des programmes de surveillance de citoyens américains et britanniques par les deux puissantes institutions de renseignement du pays de l’Oncle Sam.

En dépit des demandes répétées de Washington pour que cet ex-agent accusé de traitrise soit extradé vers son pays pour répondre de sa forfaiture, le Kremlin a bouché ses deux oreilles. Moscou a aussi accordé l’asile à ce dernier qui pourrait rester jusqu’à trois ans encore plus tard en Russie. Obama ne serait plus au pouvoir aux États-Unis. À l’époque des faits, Barack Obama avait annulé une rencontre importante en terre russe avec son homologue Vladimir Poutine. Pour Washington qui dirige le monde et obtient de lui presque tout ce qu’il veut, qui oppose son veto à la demande palestinienne de création d’un État viable dans ses frontières tenant de ce fait les autres membres de l’Onu en respect, cet affront russe est simplement impardonnable. Pour cela, la Maison Blanche mettra tout en œuvre pour qu’à défaut de s’agenouiller et demander pardon, le Kremlin avoue ses torts et se range. Chacun sait que cela ne pourrait pas venir de l’homme actuel qui dirige la Russie : «  La Russie ne va rien demander à personne. La Russie se suffit à elle-même », tempêtait récemment Vladimir Poutine dans un discours, très suivi, dans lequel il récusait «  le diktat unilatéral et la  volonté d’imposer à tous ses propres règles », allusion claire aux États-Unis.

Autant dire, dans la même foulée, que le dégel entre Washington et la Havane, salué dans le monde entier, n’aura pas un effet contagieux sur les relations internationales. Il n’est pourtant pas certain, non plus, que tenant compte de sa position de leader, les États-Unis parviennent à tirer profit de leur volonté de souder davantage les liens économiques et politiques avec l’Europe. Sauf si les deux partenaires refusaient de prendre en compte les manifestations organisées dans le Vieux Continent par des citoyens qui redoutent que le partenariat économique avec les États-Unis ne les prive de certains avantages hérités de plusieurs années de solidarité à l’européenne. On le voit, le monde a encore beaucoup de défis à relever. Comment y parviendrait-il sans briser les tabous de la confrontation pernicieuse? On se demande !
 

Gankama N'Siah

Légendes et crédits photo : 

Les présidents Barack Obama et Vladimir Poutine