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Europe : rien n’est encore vraiment joué

Samedi 22 Avril 2017 - 13:22

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Alors que tous les regards se portent sur la France, où se jouera une partie de poker décisive dans les deux semaines à venir avec l’élection d’un président de la République qui devra gérer des dossiers d’une extrême complexité, le diagnostic négatif que le monde portait sur la vieille Europe tend de façon paradoxale à s’inverser.

Anticipant les évènements à venir les analystes, mais aussi les principaux acteurs de la scène diplomatique tirent, en effet, les conclusions suivantes de la combinaison du Brexit britannique, des postures adoptées par les principaux candidats durant la campagne électorale en France, des positions prises récemment par l'Allemagne sur l’avenir de l’Europe, mais aussi du revirement opéré par le nouveau président américain Donald Trump à l'égard de l'Alliance Atlantique :

1) L'Union Européenne va devoir se réformer en profondeur très rapidement. Si elle ne le fait pas l'édifice institutionnel qu'elle a construit trop vite ces trente dernières années se lézardera et finira par s'effondrer. Qu'ils le veuillent ou non ses dirigeants sont contraints de revenir aux principes fondamentaux énoncés par les "Pères de l'Europe" au sortir de la deuxième guerre mondiale : création d'une communauté limitée dans l'espace géographique, mise en commun progressive des moyens de défense nécessaires pour sécuriser et stabiliser durablement cette zone géopolitique où sont nés les plus graves conflits mondiaux, définition de règles de gouvernance économique qui garantissent la stabilité et le progrès, coordination des diplomaties nationales et ouverture sur le monde.

2) Pour y parvenir dans un délai raisonnable les dirigeants européens seront contraints, qu’ils le veuillent ou non, de revenir à la politique dite de l' "Europe à deux vitesses" qui consistait à instaurer un noyau dur autour de l'Allemagne, de la France, de l'Espagne, de l'Italie, de la Belgique, des Pays-Bas. En y maintenant le Portugal, le Danemark, la Grèce ce noyau dur pourrait progresser rapidement sur la voie de l'intégration économique et, surtout, de l'union politique tout en entretenant des relations étroites avec les pays nordiques et les nations de l'ex-empire soviétique (Pologne, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, ex-Yougoslavie, République Tchèque, Ukraine, Slovaquie, Albanie) que l'Union Européenne commit l'erreur d’attirer plus ou moins vers elle après l’implosion de l’URSS.

3) Au cœur des réformes qui devront être faites dans l'édifice construit non sans peine à Bruxelles figurera en bonne place la réorganisation de la puissante machine technocratique que les Français, les Allemands, les Anglais ont laissé se constituer au fil du temps sans en anticiper les effets négatifs. Etant pour une large part à l'origine du choix du Brexit par les électeurs britanniques ces administrations, totalement déconnectées du réel parce que vivant dans un vase clos, sont aujourd'hui perçues par les Européens en général et tout particulièrement par leurs élus qui siègent au Parlement de Strasbourg comme responsables du désordre qui gagne l'Union. Le temps leur est donc compté.

Il est bien sûr difficile, pour ne pas dire impossible, de prévoir quelle forme prendra, dans les mois à venir, la remise en ordre de la Vieille Europe dessinée ici à grands traits caricaturaux, probablement proches cependant de la réalité. Mais tout indique aujourd’hui que l'Union Européenne devra ou bien se  réformer de l'intérieur, ou bien disparaître de la scène internationale avec tous les risques que cela comporterait pour la paix mondiale Alors, en effet, que les rapports de force changent fondamentalement à l'échelle planétaire avec la résurgence de la Russie, l'affirmation de la Chine et l'émergence du Tiers-Monde, l'Europe ne peut plus continuer sur la voie où elle s'est engagée au lendemain de l'implosion de l'Union soviétique. S’y résigner ferait ressurgir très certainement les démons qui dressèrent l’une contre l’autre l’Allemagne et la France dans les siècles précédents.

Rien n'est encore joué, mais il est plus que probable que les cartes vont être redistribuées très vite sur la table de jeu du Vieux continent.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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