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Evaluation des politiques de développement économique : vers la promotion de la saine administration?

Mercredi 9 Novembre 2016 - 17:47

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Les politiques de développement économique des pays ont généralement deux finalités majeures: améliorer le bien-être des populations, en réduisant la pauvreté, et accroître leurs capacités à participer à la décision de la Cité, en réformant les institutions nationales, pour garantir l’équité sociale. La première finalité relève de la manière dont les gouvernants exercent leur pouvoir économique, la deuxième concerne leur manière de gouverner ou d’organiser, de gérer et de conduire les institutions nationales dans une logique de saine administration. Comment évalue-t-on les performances de ces politiques?

1) De l’évaluation: Depuis 1980, la Banque Mondiale attribue une note annuelle, appelée « CPIA » (Country Policy and Institutional Assessment) qui mesure la performance de ces politiques dans chacun des 181 pays en développement, afin de déterminer l’allocation des prêts à taux zéro et des donations pour les 39 pays africains éligibles à l’aide de la Banque mondiale, dans le cadre de l’Association Internationale de Développement (IDA), datant de 1960.

Cette note est composée de seize indicateurs, regroupés dans quatre domaines des politiques structurelles et des institutions publiques, de la gestion économique, et des politiques d’inclusion sociale et d’équité. Pour chaque indicateur, les pays sont notés de 1 à 6. La moyenne des notes permet de classer les pays.

2) Des résultats: Le rapport de la Banque mondiale (2016) montre que l’Afrique subsaharienne a un score de 3,2 sur 6 en 2015. Aucun pays de l’Afrique centrale évalué n’atteint cette moyenne, alors que les performances des politiques de développement économique se dégradent au Cameroun, qui n’atteint que 3,1 sur 6 en 2015, contre 3,95 en 2012, au Congo (3 contre 3,37), au Tchad (2,8 contre 3,28) et en RCA (2,5 en 2015, contre 2,97), sauf en RDC, qui enregistre un léger progrès (3 contre 2,97), quand le Rwanda arrive en tête de l’Afrique subsaharienne avec une note de 4 sur 6 en 2015, contre 4,59 en 2012, en perdant presque un point. Les taux de pauvreté dépassant plus de 50% dans la plupart des pays de la sous-région, contrastent avec leurs importantes recettes minières, douanières et fiscales, alimentant l’iniquité sociale.

3) En cause, la corruption érigée en principe de gouvernement, qui fait de l’Afrique l’une des régions les plus corrompues du monde. Sur les 52 pays africains évalués par l’ONG Transparency International (2015) parmi les 168 pays du monde, 6 seulement ont une note supérieure ou égale à la moyenne (50 points). Le Botswana (28e rang mondial) arrive à la première position en Afrique subsaharienne, avec un score de 63 points, gagnant 3 rangs par rapport à 2014, quand la moyenne de la sous-région n’est que de 43 points.

En Afrique Centrale, le Gabon arrive en tête en occupant le 99e rang mondial, suivi du Cameroun (130e), de la RCA (145e), du Congo (146e), du Tchad et de la RDC (147e), ainsi que de l’Angola (163e). Dans ces différents pays, les autorités ont pourtant mis en place des organes spécifiques de contrôle et de régulation de ce fléau endémique. Mais, les fonctionnaires chargés de lutter contre la corruption sont souvent ceux qui l’organisent et qui en bénéficient le plus, sous le regard complaisant de la Justice.

L’environnement institutionnel des pays concernés est fragilisé par les conflits et l’instabilité politiques, indicateurs du déficit de « Bonne gouvernance », et surtout, de la prédation dans la chaîne de la décision administrative. Les contre-performances trouvent, alors, davantage leurs racines dans la culture de prédation que dans la baisse conjoncturelle des cours des matières premières dans ces économies rentières. Les ressources publiques détournées par les réseaux de corruption qui auraient pu être investies plus efficacement dans les projets économiques à forte valeur à joutée et structurants, faussent le marché et découragent les investisseurs nationaux et étrangers dans leur volonté d’entreprendre dans ces pays.

Ainsi, les fortes baisses des cours des matières premières de ces dernières années révèlent les vulnérabilités structurelles des économies rentières, gangrenées par la corruption et la mauvaise gouvernance. Ces vulnérabilités sont des opportunités pour accélérer les réformes structurelles, destinées à renforcer la compétitivité et la diversification des économies, afin de développer les perspectives de croissance économique à long terme, tout en ramenant la Justice au centre de la régulation administrative. Régner et gouverner, en promouvant la saine administration, est une nécessité pour trouver la voie du développement.

Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de Gesti

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