Evocation : ‘’Comment nommer cet étang ‘’?

Jeudi 20 Février 2020 - 20:50

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Nkouna, Stanley Pool, Pool Malebo, la nappe d’eau qui sépare Brazzaville de Kinshasa, les capitales des deux Congo, est aujourd’hui une entité géographique connue, nommée et très bien décrite. C’est un lac de forme elliptique d’environ 555 km² avec une largeur de 24 km. La distance entre ses deux villes varie de 3.300 à 1600 mètres selon les endroits. Une île, Mbamou, basse et marécageuse d’environ 185 km² est séparée de la rive nord par le thalweg du Congo. Le lit de ce lac présente à différents endroits des fosses dont les sondes révèlent des fonds allant de 18 à 25 mètres.

A la fin du 19e siècle, au moment où s’amorçait la seconde rencontre Europe-Afrique qui aboutira, cette fois-ci à la colonisation européenne du continent, cette nappe d’eau était connue de ses seuls riverains Batékés et de leurs voisins avec lesquels ils commerçaient. Le nom local qui désignait cette vaste cuvette lacustre était Nkouna.

Les témoignages des Européens qui visitèrent le fleuve Congo jusqu’au commencement des Rapides après le Britannique Henry Stanley attestent tous de cette appellation du lac par ses riverains. Le Franco-Italien Brazza qui arriva sur les lieux, peu après Stanley, datait sa correspondance d’un lieu qu’il orthographiait Ncouna-Ntamo. Le 10 février 1881, soit quelques mois après la rencontre du 3 octobre 1880, entre Brazza et les chefs batékés sur la rive droite du lac, les missionnaires anglais Bentley, Cramber et Crudgington en visite chez le roi Nga Liema à Nchassa (Kinshasa), sur la rive droite du lac, notaient de la bouche des autochtones que « Mkuma est le nom du pool ».

 L’année d’après, soit en 1882, le Français Léon Guiral, arrivé à la station de Mfa sur la rive droite, pour ramener le gardien du pavillon français, le Sénégalais Malamine, laissera à la postérité un admirable texte dans lequel apparaissait le vocable « Nkouna ». Le passage suivant tiré de ses notes éclaire le sujet d’une vive lumière.

« Dans sa région moyenne et aussi dans la plus grande partie de son cours inférieur, le grand fleuve s’étend en larges nappes, divisées par des îles nombreuses. C’est à un de ces élargissements, véritable lac intérieur, que l’on a donné le nom de Stanley pool, mais que l’on désigne aussi dans plusieurs cartes, et spécialement dans les cartes françaises, sous les noms de Nkouna ou de Ntamo, qui sont des appellations indigènes ».

Ntamo, identifié plus tard comme Kintambo, aujourd’hui, un des quartiers de Kinshasa, était le dernier village batéké sur la rive gauche avant que le Congo ne se précipite à une vitesse folle sur des blocs de granit.

Mais l’évènement central qui marquera les Européens relativement à ce lac se situe en 1877 avec pour acteur principal le journaliste britannique Henry Stanley. Agé de 36 ans, celui qui était né John Rowlands au pays des Galles, était déjà un aventurier éprouvé sur les champs de bataille aux Etats-Unis et en Ethiopie, ainsi que dans une aventure dans les contrées inconnues de l’Afrique de l’Est, quand il recherchait le pasteur écossais David Livingstone.

A la tête d’une expédition de 356 hommes armés jusqu’aux dents, dont quatre Européens, il traversa, de 1874 à 1877, l’Afrique centrale d’est à l’ouest, de l’océan Indien à l’océan Atlantique. Cette odyssée qui commença à partir de l’île de Zanzibar où il recruta son personnel zanzibarite, des mercenaires musulmans qui l’accompagnèrent, le vit naviguer sur le puissant fleuve Congo. Semé d’embûches naturelles et humaines, son itinéraire le confronta à 32 batailles livrées contre différents groupes ethniques bantous, Basoko, Bangalas etc.

Le 12 mars 1877, après une navigation sur un trajet de 200 km le long du Couloir fluvial, il déboucha subitement sur la vaste nappe d’eau susmentionnée qu’il décrira dans son bestseller « Au cœur du continent mystérieux. »

« Le 12, vers 11 heures du matin, le fleuve, graduellement arrivé à 2.500 yards d’une rive à l’autre, nous mit en présence d’une puissante expansion que mes hommes qualifièrent tout à coup, avec justesse, d’étang. En face de nous, des îles sableuses s’élevaient comme une côte maritime ; à notre droite se trouvait une longue suite de hauteurs, blanches et brillantes, ressemblant tellement aux falaises de Douvres que Frank dit aussitôt « c’est un coin de l’Angleterre ! »

Les plateaux herbeux qui couronnaient ces falaises, plateaux aussi verts que des pelouses, rappelèrent à mon compagnon les dunes du comté de Kent qu’il s’écria avec enthousiasme : « Je sens que nous nous approchons du pays ! »

Pendant que je faisais le relèvement nécessaire pour établir notre position, Frank, armé de ma lunette, escalada la partie la plus haute de la grande dune sableuse déposée par la rivière et examina l’étrange expansion que nous avions sous les yeux.

« Monsieur, me dit-il à son retour, je vous déclare que ce bassin est juste comme un étang, aussi large que long. Il est entouré de montagnes et me paraît presque circulaire.

  • Eh bien, si c’est un étang, il faut lui donner un nom spécial. Indiquez-moi un qui lui convienne, Frank.
  • Pourquoi ne pas l’appeler Etang de Stanley et ne pas nommer ces hauteurs Dovers Cliffs ? Il n’est pas de voyageur qui, venant ici, ne reconnaisse ces falaises à cette désignation. » (Suite).
François-Ikkiya Onday-Akiéra

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