Evocation. Edouard Renard: un gouverneur libéral

Jeudi 9 Mai 2019 - 21:16

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L’arrondissement 2 de Brazzaville, Bacongo, est l’unique agglomération de la capitale où les rues honorent la mémoire d’illustres personnalités françaises. Auprès des Voltaire, Victor Hugo, Condorcet et autres, on trouvera honoré dans ce panthéon le nom de bienveillante mémoire du gouverneur Edouard Renard.

Pied noir né à Oran, en Algérie française, Renard, formé à l’école de l’administration préfectorale, fut successivement sous-préfet et préfet de l’Aude et de la Seine avant d’atterrir en Afrique équatoriale française (AEF) comme gouverneur général, en juillet 1934.

Son prédécesseur, le cynique Raphaël Antonetti, emportait, certes, avec lui sur sa tête, le poids des morts du goulag Congo-Océan. Mais, administrateur tatillon, il lui avait aussi légué un terrain miné par les pousses d’un chiendent qu’il avait essaimé en pays Balali-Suundi avec l’affaire des Amicalistes. Incapable de s’élever au-dessus de l’intérêt général, Antonetti avait pris fait et cause des colons émus par le discours de deux délégués de la mutuelle Amicale des ressortissants de l’AEF venus de France qui les démystifiaient auprès de la population. Non seulement Pierre N’Ganga et Constant Balou furent jetés en prison, l’argent  qu’ils avaient collecté (104 800 frs) confisqué mais aussi, leur mentor, André Matsoua, fondateur de ladite Amicale, fut à son tour capturé à Paris, déferré à Brazzaville, jugé selon les lois de l’Indigénat alors qu’il était citoyen français et banni au Tchad en avril 1930 pour dix ans de bagne.

Le village Bacongo et l’arrière-pays Suundi-Lali bouillonnaient au moment de l’arrivée de Renard. C’est alors que l’ancien préfet montra une hauteur d’esprit digne des plus brillants administrateurs. Après avoir fait le tour de la question, sa conclusion fut sans appel : il n’y avait pas péril en la demeure. La mutuelle Amicale n’était pas une clique de militants anti-français, anti-colonialistes contre lesquels la République vengeresse devait sévir. Il considérait que le progrès dans la colonie devait être l’œuvre du gouvernorat comme des initiatives africaines. L’Amicale étant une de ces initiatives fut autorisée à fonctionner sans encombre. Le nouveau gouverneur était un libéral qui pratiquait « l’indirect rule » britannique moins contraignant que la centralisation jacobine française dans le partage des pouvoirs entre administration et citoyens.

Malheureusement, les belles choses ne durent pas. En mars 1935, soit huit mois après sa nomination, une catastrophe aérienne dans les environs de la ville de Bolobo, au Congo-Kinshasa, emporta Edouard Renard qui faisait un voyage d’information au Tchad.

Outre le fait qu’il avait érigé deux centres de puériculture à Poto-Poto et à Bacongo qui fonctionnent jusqu’à présent, son approche de la question de l’Amicale ci-dessus évoquée entoura sa mémoire d’un grand respect.

En effet, après sa brutale disparition, ses différents successeurs, Reste, Boisson et Félix Eboué compliquèrent sérieusement une équation que l’Oranais avait jadis résolue comme à la parade. Société indigène de prévoyance contre Amicale, guerre des 3 francs, nouvelle arrestation, condamnation à perpétuité et mort d'André Matsoua au bagne de Mayama, tout dégénéra et tourna au cauchemar en pays lali-suundi où s’abattit une féroce répression.

Ils ne furent pas nombreux, des gouverneurs comme Edouard Renard, des administrateurs de l’échelon intermédiaire, des hommes de rang voire des Français lambda qui, venus dans notre contrée équatoriale, réussirent à garder leur dignité d’homme face à d’autres hommes que le destin aléatoire leur avait donné l’opportunité de rencontrer, de cohabiter et de montrer la noblesse d’une humanité venue d’ailleurs.

François-Ikkiya Onday-Akiéra

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