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Fatima Beyina-Moussa : « Tout est possible »

Dimanche 2 Mars 2014 - 23:30

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La directrice générale d’ECAir (Equatorial Congo Airlines) a à son actif le lancement de la compagnie aérienne nationale du Congo. Deux ans plus tard, le cap des 300 000 passagers est franchi

Fatima Beyina-Moussa, directrice générale d’ECAir (Equatorial Congo Airlines)Les Dépêches de Brazzaville : Vous êtes directrice générale d’ECAir, avec un long cursus derrière vous. Parlez-nous de votre expérience et de votre formation…
Fatima Beyina-Moussa : Je suis diplômée d’HEC Montréal et titulaire d’un MBA de l’université d’Ottawa que j’ai complété par un DEA en économie internationale à Sciences-Po Paris. À l’issue de mes études, je suis rentrée au Congo pour intégrer le cabinet d’audit et de conseil Ernst & Young. J’ai ensuite été recrutée par la Banque des États d’Afrique centrale. Promue chef de service à la direction nationale, j’ai pris en charge la balance des paiements. En 2004, je suis partie aux États-Unis avec mon mari où j’ai j’intégré le Programme des Nations unies pour le développement, en charge plus spécifiquement de la coopération Sud-Sud.
En mars 2011, après un passage à Lagos, au Nigeria, où mon mari avait été muté, nous sommes rentrés au Congo. J’ai alors intégré le cabinet du ministre des Finances, du Budget et du Portefeuille public en tant que conseiller à l’économie et aux réformes. Dans ce cadre, j’ai assuré la restructuration des Assurances et Réassurances du Congo en tant qu’administrateur général. Parmi les dossiers qui m’étaient confiés figurait la mise en place d’une compagnie aérienne nationale, ECAir. En mars 2011, j’en prenais la direction générale.

Vous avez travaillé sur le projet et dirigé sa création pour en obtenir la direction. Comment êtes-vous arrivée à la tête de la compagnie ECAir ?
En tant que conseiller à l’économie et aux réformes du ministre des Finances, du Budget et du Portefeuille public, l’une de mes missions a porté sur la création et la mise en place d’une compagnie aérienne nationale, projet faisant partie du plan de développement des infrastructures aéroportuaires du pays qui a permis la réhabilitation des aéroports de Brazzaville, Pointe-Noire et Ollombo. J’ai donc travaillé sur ce projet avec le cabinet de conseil et les différents partenaires qui nous ont accompagnés jusqu’à sa réalisation. Lorsque s’est posée la question de la gestion de cette compagnie fraîchement créée, le choix s’est porté sur moi.

Au bout de deux ans, quel bilan tirez-vous de votre action à la tête d’ECAir ?
Dès le départ, notre ambition était de devenir la compagnie leader en Afrique centrale. Pour y parvenir, nous nous sommes entourés de partenaires solides et d’expérience. Afin d’être à la hauteur de cette ambition, nous nous sommes fixé des objectifs et nous sommes sur la bonne voie pour les atteindre.
Les chiffres en témoignent. Nous avons franchi le cap de 300 000 passagers ; la flotte a été agrandie : fin 2013, nous avons accueilli notre nouveau 757-200, le Rivière Sangha ; le nombre de destinations s’est développé : Paris en 2012, Douala et Cotonou en 2013, et Dubaï au premier trimestre 2014.
Nous poursuivons notre lancée dans la formation du personnel. La deuxième vague de recrutement de nos pilotes cadets vient d’avoir lieu. Nous les formerons pour qu’ils puissent travailler sur les avions opérés par ECAir. Enfin, la Fondation ECAir, reflet de la responsabilité sociale de l’entreprise, a vu le jour en août dernier.

Quelles sont vos perspectives pour faire d’ECAir une compagnie aérienne de référence ?
Le développement de nos destinations africaines est notre première ambition : cette année nous avons pour objectif d’ouvrir des escales à Kinshasa, Libreville, Luanda, Bamako, Dakar... Cet accroissement du réseau va de pair avec l’agrandissement de notre flotte : nous venons d’acquérir deux nouveaux Boeing 737-700 et un Boeing 767 qui seront opérationnels au cours de cette année. L’objectif final est de redonner à Brazzaville sa place de ville de transit en faisant de l’aéroport de Brazzaville un véritable hub de la sous-région.

En tant que femme, vous vous êtes engagée dans un domaine que d’aucuns croient réservé aux hommes. Quels sont vos atouts ?
Je ne pense pas avoir plus d’atouts qu’un homme. J’ai été victime du virus de l’aviation, qui vous attrape dès que vous commencez dans ce métier. C’est devenu une véritable passion, et je doute que le fait d’être une femme y soit pour quelque chose. Je me donne à mon travail à 100% comme le ferait tout cadre nommé par l’État aux mêmes fonctions. Tant mieux si cela donne des résultats positifs. Toutefois, diriger une compagnie tout en étant épouse et mère demande une logistique toute particulière. Je m’organise donc pour gérer tout cela de concert.

Quelle est la place du genre au sein de votre compagnie ? Avez-vous une politique spécifique pour que la femme ne joue pas le second rôle au niveau d’ECAir ?
Nous encourageons l’égalité sans particulièrement définir de politique pour favoriser l’insertion des femmes. Nos recrutements sont basés sur le talent, et il se trouve que nous recrutons de nombreuses femmes talentueuses. L’équilibre s’établit de lui-même, et nous avons autant d’hommes que de femmes chez ECAir. L’idée est justement d’arriver à casser certains stéréotypes fortement ancrés dans nos traditions. Notre première vague de jeunes pilotes cadets en formation intègre des jeunes filles congolaises. Nous encourageons, mais nous n’imposons pas.

Votre message en conclusion de cet échange ?
Je voudrai inviter tous les Congolais à s’approprier ECAir, qui est leur compagnie. Si le fait que la compagnie est dirigée par une femme attise encore des curiosités, des questionnements, je souhaite en profiter pour matérialiser le fait que dans la mission qui m’a été confiée, c’est mon expérience et mon parcours qui ont primé. Alors un message particulier aux femmes qui hésitent encore à se lancer dans des métiers jusque-là perçus comme réservés aux hommes : tout est possible !

Propos recueillis par Guy-Gervais Kitina

Légendes et crédits photo : 

Fatima Beyina-Moussa, directrice générale d’ECAir (Equatorial Congo Airlines) ©DR