Feuilleton: Samba De Dieu (5)

Vendredi 16 Février 2018 - 18:41

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       Voilà pourquoi, comme les criminels reviennent toujours sur les lieux de leur crime, ces vauriens revinrent pour voir de jour le résultat de leur curée. Colonne serrée de tout ce que Bacongo et Makélékélé comptent comme lanceurs de pierres et d’objets divers sur des cibles inertes. On dit qu’à la vue du spectacle trouvé, ils partirent d’un rire hystérique et continu. Les jeunes voyous des parages s’en tenaient les côtes.

      Le spectacle offert les faisait littéralement rouler par terre : hilarant en diable. Poilant ! Il y a ceux qui suffoquaient en montrant l’atelier du doigt. Il y a ceux qui se tapaient les cuisses dans une succession de quintes sans fin. Il y a ceux qui s’esclaffaient devant une proclamation aussi iconoclaste que blasphématoire : « Samba…de…Dieu » ! Trop fort. Dans ce monde sans foi, l’insulte à Dieu devient un facteur de rire.

     De même qu’il est devenu coutumier de rire de la mort des autres – des autres, forcément, puisque par définition un mort qui rirait de sa propre mort serait à conduire au poste, déféré en justice  et accusé d’outrage à la vie des vivants, avec ou sans son cercueil ! C’est le monde qui va ainsi : plus de respect pour rien. Pas de respect pour les artisans barbus. Pas de respect pour les frontons d’un atelier, au contraire un déchaînement sans honte de quelques mal-élevés ne trouvant pas le sommeil.

     C’est cela, c’est cette angoissante situation que ce journal – oui, c’est un journal que j’ai écrit au fur et à mesure du déroulement des événements et que les choses me sont parvenues par tous les moyens rapides d’information, dont celle de l’amitié – entend vous relater.

     Je récapitule : Samba DD est un cordonnier qui n’a jamais fait de mal à une mouche (sinon, celles qui pullulent autour des poubelles pestilentielles du Marché Total l’auraient poursuivi pour mouchecide, sûr !). Il buvait rarement de l’eau, mais avait un respect de notaire pour la bière. Si de temps en temps il mangeait du steak, il savait apprécier la viande, mais très peu ceux qui faisaient vœu de la vendre. Les raisons vous sont fournies ici même, puisque j’ai,  quant à moi, fait vœu de vérité.

    L’affaire du « massacre » de l’enseigne du cordonnier n’alla pas plus loin que le Marché Total, bien entendu. Mais elle permit la formation de deux camps chez les marchands : ceux qui prenaient l’artisan en pitié et ceux, sans doute plus nombreux, qui estimaient que les jeunes du quartier étaient sans problème, et qu’ils ne s’en seraient pas pris sans raison à quelqu’un des parages « s’il n’avait rien à cacher ». Le boucher qui semblait avoir beaucoup de verve dans cette affaire était le plus acharné à trouver des suspicions à l’affaire; à l’agrémenter de détails sortis d’on ne sait où et qu’il servait avec une componction de boucher, les présentant de préférence saignants, ce qui n’étonnera personne.

 

Lucien Mpama

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