France : l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing est mort des suites de la Covid-19

Jeudi 3 Décembre 2020 - 16:00

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L'ancien chef d'Etat de 1974 à 1981, Valéry Giscard d'Estaing (VGE), est décédé des suites de la Covid-19. C'était le 2 décembre. Il était hospitalisé pour « une légère infection aux poumons ». Né le 2 février 1926 à Coblence, il avait 94 ans. VGE est le président de la République qui connaissait mieux l'Afrique.

Victime du coronavirus, le 20e président de la République française, Valéry Giscard d'Estaing -1974 à 1981-, était âgé de 94 ans. Il était hospitalisé au CHU Trousseau de Tours à la mi-novembre, après une première hospitalisation à Georges Pompidou à Paris, pour une légère infection pulmonaire, a-t-on appris. Elu en 1974, VGE était le plus jeune président de la Ve République. Il avait 48 ans. Il se voulait l'incarnation d'une modernité triomphante, issue du centre-droit libéral et démocrate-chrétien qui aura bâti l'Europe de l'après-guerre. Il se fait élire face à François Mitterrand, et devient le premier non-gaulliste à entrer à l'Elysée. Son élection fait souffler un vent de liberté en France : abaissement de la majorité à 18 ans, dépénalisation de l'avortement, initiateur du « G7 », divorce par consentement mutuel. Il participe largement à la construction européenne.

Après des débuts très prometteurs, son mandat connaît une première crise avec la démission de son Premier ministre, Jacques Chirac, en 1976. Mais Valéry Giscard d'Estaing c'est aussi le ralentissement de l'économie française dû au choc pétrolier, les affaires, le suicide de son ministre Robert Boulin, les diamants de Bokassa, l'austérité, une inflexion plus conservatrice. Ce qui va peser sur sa popularité et va contribuer à l'échec à sa réélection en mai 1981 face à François Mitterrand. Après cet échec politique, il rebondit en 2003 grâce à son élection à l'Académie française, dans le fauteuil de l'ancien président sénégalais Léopold Sédar Senghor (LSS).

Valéry Giscard d'Estaing et l'Afrique

VGE s'était investi à donner une impulsion nouvelle aux relations Afrique-France, en rétablissant le secrétariat à la Coopération, avec une vision bien définie du franc CFA, dont il avait la maîtrise des mécanismes en tant qu'ancien ministre des Finances. Dès son entrée en fonction, le président supprime le secrétariat général aux Affaires africaines et malgaches, dirigé par Jacques Foccart, un serviteur du général de Gaulle et Georges Pompidou. L'objectif est de rendre la politique franco-africaine plus innovante. Des relations entre VGE et l'Afrique, il n' y a pas que l'affaire des diamants, cadeau du président centrafricain Jean Bedel Bokassa – ce qu'il faisait avec l'ensemble de ses hôtes. Mais cette affaire va contribuer à sa défaite en 1981.

Elu en mai 1974, il effectue son premier voyage en Afrique par l'Algérie en 1975. Il sera le premier président français à s'y rendre officiellement depuis l'indépendance du pays en 1962. Cette volonté de rapprochement sera de courte durée, à cause du soutien de la France au Maroc sur la question du Sahara occidental.

Sous son mandat, la France aura été très active pour assurer la protection de ses intérêts grâce à des accords parfois « délicats ». Ce fut le cas avec l'intervention de l'armée française à Kolwezi en RDC (ex Zaïre - une zone d'influence belge et américaine), en Mauritanie, au Tchad, au Niger, en Centrafrique, etc. Au Zaïre, les légionaires francais prennent le contrôle de Kolwezi dans la province du Shaba, en mai 1978. Si l'opération est une réussite politique et militaire, la France échoue à faire du Zaïre son partenaire essentiel. Sous son mandat, la France a aussi l'ambition d'étendre sa zone d'influence économique, en profitant de l'absence momentanée de certaines puissances. Il s'appuie entre autres sur les sommets France-Afrique fondés sur la « réciprocité des intérêts ». Il renoue avec la Guinée, le Nigeria. A partir de 1976, Paris va construire deux réacteurs nucléaires (sa famille a des intérêts dans le nucléaire), en Afrique du Sud, un pays placé au ban des nations pour sa politique d'apartheid.

C'est aussi sous Giscard d'Estaing que Djibouti accède à l'indépendance en juin 1977. Il assoit la présence de la France sur le sol africain, contredisant le principe de « l'Afrique aux Africains ». Mais il réussit à installer un climat de calme à Djibouti, déjouant les pronostics de certains observateurs. L'indépendance des Comores en juillet 1975 n'a pas connu le même succès. L'Île de Mayotte, par contre, conservera en 1976 ses liens avec la France. Mais Les Comores continuent à revendiquer leur souverainté sur Mayotte. Dans l'affaire « des diamants de Bokassa », VGE est l'héritier d'une longue pratique. Celle d'une amitié entre les hommes qui a été exploitée politiquement. Mais cette affaire interroge les choix et les soutiens peu avisés de la France à certains régimes, dont celui de Jean-Bedel Bokassa, dont le pays, la Centrafrique, a une situation stratégique essentielle. Giscard d'Estaing tout comme ses deux prédécesseurs (De Gaulle et Pompidou) a laissé faire.

Au-delà des considérations politiciennes, l'homme était passionné par l'Afrique qu'il connaissait mieux que tous les présidents français de la Ve République. Il y a affectué de nombreux voyages officiels et privés, pour des affaires ou pour des safaris. Car c'était un grand chasseur. Fasciné d'Afrique, son rôle sera ambivalent, occultant son côté novateur dans les relations Afrique-France. Pour son adieu à l'Afrique, Valery Giscard d'Estaing dans son dernier roman « Mathilda », paru en 2011, décrit la savane africaine, qu'il a longuement sillonnée. A l'Académie des sciences d'Outre-Mer, où il venait de temps en temps, il faisait toujours salle comble. C'est une page de l'histoire des relations franco-africaines du 20e siècle qui se termine. 

Noël Ndong

Légendes et crédits photo : 

Valéry Giscard d'Estaing, président français entre 1974 et 1981, s'est éteint mercredi 2 décembre (AFP) Les président Giscard d'Estaing et Bokassa à Bangui en mars 1975 (AFP)

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